Au Burkina Faso, une enquête menée entre 2020 et 2024 a révélé un vaste système de fraude portant sur le détournement d’environ 34 millions de litres d’hydrocarbures subventionnés, avec un préjudice estimé à plus de 7 milliards de francs CFA pour l’État. Cette fraude concerne spécifiquement 13 unités industrielles (carrières, entreprises BTP, unités de production) toutes reconnues en infraction après un contrôle sur échantillon, alors que le pays compte plus de 1 000 entreprises de ce type.
Au cœur du mécanisme, l’usage illicite de carburant subventionné destiné à la consommation des ménages. En principe, les hydrocarbures subventionnés (notamment le gasoil vendu à 613 FCFA le litre) doivent exclusivement alimenter les stations-service pour les particuliers. À l’inverse, les unités industrielles doivent s’approvisionner en carburant non subventionné, vendu environ à 1 150 FCFA le litre.
Mais dans les faits, certains marketeurs (distributeurs agréés comme Total, Shell, etc.) ont été surpris en train de s’approvisionner en carburant subventionné à la SONABHY (Société nationale burkinabè d’hydrocarbures), avant de le revendre illicitement aux unités industrielles à un prix inférieur au tarif réglementaire pour les professionnels. Une manœuvre frauduleuse leur permettant d’augmenter leurs marges tout en privant l’État de revenus substantiels.
La SONABHY, bien qu’acteur central dans la chaîne de distribution, n’est pas formellement incriminée. En effet, les marketeurs déclarent vouloir ravitailler leurs stations-service, ce qui rend difficile la détection des fraudes au moment de l’enlèvement du carburant. L’organisme ne dispose pas, selon les autorités, des moyens suffisants pour tracer les destinations finales des livraisons.
L’enquête, encore en cours, n’a pour l’instant identifié aucune unité industrielle respectant la structure de prix réglementaire. Les autorités n’ont pas encore révélé l’identité des entreprises mises en cause, en raison du processus judiciaire en cours. Certaines pourraient opter pour une résolution transactionnelle, en remboursant les montants dus et en payant des amendes, tandis que d’autres devront répondre devant les tribunaux.
Cette fraude massive démontre les failles dans le système de contrôle des subventions et interroge la capacité de l’État à protéger ses ressources. Les montants détournés auraient pu financer des infrastructures essentielles, comme des écoles, des routes ou des hôpitaux. Pour les autorités, l’enjeu est désormais d’étendre les investigations et d’instaurer un système de traçabilité plus rigoureux afin d’éviter que de telles pratiques ne se reproduisent.