Cameroun : l’opposant Issa Tchiroma Bakary s’exile au Nigeria
Le bras de fer entre Issa Tchiroma Bakary et Paul Biya s’est finalement joué hors des frontières camerounaises. L’ancien ministre de la Communication, devenu opposant au chef de l’État, a trouvé refuge au Nigeria après la présidentielle de 2025.

Fin octobre 2025, trois semaines après le scrutin, Issa Tchiroma Bakary a quitté le Cameroun dans la plus grande discrétion. Alors que le Conseil constitutionnel venait de confirmer la réélection de Paul Biya, l’opposant affirmait, lui, avoir remporté le vote.
Sa résidence de Garoua, dans le Nord, était placée sous surveillance constante, tout comme son quartier général à Yaoundé. Malgré ces restrictions, il est parvenu à s’échapper grâce à un réseau de soutiens bien implanté dans la région. Selon plusieurs sources dont Linfodrome, il aurait franchi la frontière en empruntant le fleuve Bénoué, un passage moins surveillé que les routes terrestres, avant de rejoindre l’État d’Adamawa, au Nigeria, à quelques kilomètres du Cameroun.
À son arrivée à Yola, capitale de l’Adamawa, le 29 octobre, Issa Tchiroma Bakary a été accueilli par un proche avant d’être interrogé par la National Intelligence Agency (NIA), les services de renseignement nigérians. Ceux-ci lui ont demandé de s’abstenir de toute activité politique publique sur le sol nigérian. Depuis, il vit sous résidence surveillée, placé sous la supervision de Mohammed Mohammed, chef du renseignement national.
Notons que le choix du Nigeria n’est pas anodin : Issa Tchiroma entretient depuis longtemps des liens avec plusieurs notables du pays, notamment dans l’Adamawa, ainsi qu’avec des figures traditionnelles comme l’émir de Kano, Muhammadu Sanusi II. Ces relations anciennes lui assurent aujourd’hui une certaine protection et un cadre d’action limité, mais sûr.
La fuite de l’ancien ministre a pris de court la classe politique camerounaise. Tandis que son épouse est restée à Garoua pour maintenir la présence publique de la famille, Issa Tchiroma coordonnerait depuis Yola certaines actions de contestation, dont l’opération « villes mortes », destinée à paralyser l’économie locale et à dénoncer la réélection de Paul Biya.
Il n’est pas le seul à avoir choisi l’exil. Plusieurs figures de l’opposition, parmi lesquelles l’avocate Michelle Ndoki et l’activiste Felix Agbor Balla, ont également quitté le pays. À Yaoundé, le gouvernement apparaît divisé sur la réponse à adopter. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, plaide pour une interpellation rapide de l’opposant, tandis que d’autres responsables privilégient une approche plus prudente, estimant que son éloignement réduit déjà son influence.

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