Les déclarations de Paulin Akponna, alors ministre de l’énergie, de l’eau et des mines sur un présumé siphonnage de milliards de francs CFA au sein du ministère de l’Énergie, de l’Eau et des Mines continuent de secouer la sphère politique béninoise. Ce mercredi 25 juin 2025, douze députés du principal parti d’opposition, Les Démocrates, ont déposé au Parlement une résolution visant à la création d’une commission d’enquête parlementaire. L’objectif est de faire la lumière sur la gestion des fonds publics dans un secteur stratégique, à la suite des propos tenus quelques jours plus tôt par l’ex ministre lors d’une visite à Parakou.
En déplacement dans le Nord, Paulin Akponna a dénoncé publiquement ce qu’il a qualifié de « crime contre la République ». Des quartiers entiers de Parakou privés d’eau et d’électricité, alors même que des dizaines de milliards auraient été mobilisés par l’État depuis 2016 pour résoudre ces problèmes. Le ministre a pointé du doigt des « siphonneurs du budget national », sans citer de noms, mais en laissant entendre que des responsables politiques ayant eu la charge de ce secteur ont détourné les ressources. Une sortie qui, dans les faits, cible implicitement l’ancien ministre Séidou Adambi, lui aussi membre du Bloc Républicain.
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Face à ces déclarations graves émanant d’un membre du pouvoir lui-même, Les Démocrates ont rapidement réagi. Conduits par leur chef de file, Nourénou Atchadé, les députés de l’opposition ont déposé une proposition de résolution pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. Cette commission, composée de parlementaires « compétents et impartiaux », serait chargée d’examiner de fond en comble les conditions d’exécution des projets d’eau et d’électricité à Parakou, et d’auditer l’usage des fonds y afférents. Le travail de la commission s’étalerait sur trois mois, avec à la clé un rapport devant être présenté en session plénière.
Pour l’opposition, il ne s’agit pas seulement d’exploiter une faille dans le discours gouvernemental, mais de répondre à une question essentielle : où est passé l’argent public censé améliorer les conditions de vie des populations ?
Un malaise au sein du Bloc Républicain
Politiquement, cette affaire révèle un tir croisé au sein de la majorité. En s’attaquant de manière frontale à des responsables issus de son propre camp, Paulin Akponna provoque une onde de choc. Car Séidou Adambi, ancien ministre en charge du secteur mis en cause, est une figure influente du Bloc Républicain, tout comme Akponna lui-même. Cette charge publique ressemble à un règlement de comptes interne, dans un contexte où des rivalités territoriales et de leadership agitent la mouvance présidentielle à l’approche des échéances électorales.
La question se pose donc avec acuité. Paulin Akponna parlait-il en tant que ministre de la République ou en militant politique en croisade contre ses adversaires internes ? Officiellement, il portait sa casquette de ministre en charge de l’énergie, mais ses références explicites au Bloc Républicain et aux ambitions supposées de certains acteurs locaux laissent penser qu’il s’agit aussi d’une sortie politique calculée. Une manière de rappeler que le parti ne doit plus servir de bouclier à ceux qui trahissent la mission républicaine.
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La sortie du ministre-conseiller a immédiatement enflammé la toile et les cercles politiques. Tandis que certains y voient le début d’un scandale d’État comparable à l’affaire PPEA II sous Boni Yayi, d’autres y lisent une tentative de décrédibilisation ciblée. Des internautes et analystes suggèrent que si Akponna détient des preuves de détournements, il devrait immédiatement commander ou exiger un audit indépendant plutôt que se contenter de dénonciations publiques.
Au sein du Bloc Républicain, le silence devient embarrassant. Si le parti soutient Akponna, il risque d’ouvrir une brèche contre une de ses figures historiques. S’il le désavoue, il affaiblit son propre discours de rigueur et d’exemplarité, pilier de sa communication depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon.
Un test pour la crédibilité de la lutte anticorruption
Depuis 2016, le président Talon a construit une partie de sa légitimité politique sur la lutte contre la corruption, en rupture avec les dérives du passé. Mais l’affaire révélée par Akponna pose une question gênante. La Rupture a-t-elle réussi à sécuriser l’usage des fonds publics, ou assiste-t-on à la répétition des mêmes pratiques, sous une autre forme ? Pour rappel, le scandale PPEA II avait éclaté en 2015 suite à la découverte de détournements massifs de fonds destinés à l’eau potable, conduisant à la suspension de l’aide néerlandaise. À l’époque, les suites judiciaires avaient été laborieuses et n’avaient débouché sur aucune condamnation.
Si les accusations actuelles ne sont pas suivies d’enquêtes et de sanctions concrètes, le pouvoir pourrait être accusé de deux poids, deux mesures, surtout si les auteurs présumés appartiennent au sérail. L’adoption de la résolution déposée par l’opposition serait donc un test de transparence pour le Parlement, mais aussi une épreuve de cohérence pour le régime Talon.