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Au Bénin, la fronde silencieuse des rois et chefs traditionnels contre la loi encadrant la chefferie

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Réunis le 14 juin 2025 à Parakou, les Rois, Reines et Chefs de terre du Bénin ont fait entendre une voix collective, solennelle et préoccupée. Sous l’égide de l’Empereur de Nikki, Sinaboko SERO TOROU TOUKOSSARI, cette concertation historique a débouché sur une déclaration critique à l’endroit de la nouvelle loi N°2025-09 du 3 avril 2025, qui encadre désormais juridiquement la chefferie traditionnelle au Bénin. Une loi saluée pour son existence, mais vivement contestée pour son contenu jugé réducteur, centralisateur et en rupture avec l’essence même des institutions ancestrales.

Dans un premier temps, les dignitaires traditionnels ont tenu à exprimer leur gratitude au président Patrice Talon pour avoir, selon leurs termes, « mis fin à l’anarchie » dans la gestion des royautés à travers l’inscription de la chefferie traditionnelle dans la Constitution et la promulgation de la loi 2025-09. Ce geste est perçu comme un tournant attendu de longue date, venant donner un cadre légal à un pan fondamental de l’identité béninoise.

Mais au-delà de cette reconnaissance, c’est le contenu même de la loi qui cristallise l’inquiétude. Au cœur des critiques, la vision que la loi renvoie des institutions traditionnelles. Plutôt que de valoriser les savoirs et savoir-faire hérités des ancêtres, la législation semble, selon les signataires de la déclaration de Parakou, les figer dans un rôle folklorique, simples « garants des us et coutumes ». Une position perçue comme une continuité de l’entreprise de déconstruction entamée par le colonisateur français dès 1894.

Les chefs traditionnels insistent gégalement su le fait que la question de la chefferie ne peut être marginalisée, car chaque citoyen béninois appartient à une aire culturelle structurée autour d’un royaume ou d’une chefferie. À leurs yeux, les institutions ancestrales devraient être pleinement intégrées dans les structures modernes de l’État, sans en être des supplétifs ni des subordonnés.

Aussi, la déclaration de Parakou pointe plusieurs éléments de la loi qui suscitent une profonde désapprobation :

  1. L’absence de hiérarchisation entre royaumes : Les signataires dénoncent une mise à égalité artificielle entre des entités royales dont l’importance historique varie. Ainsi, Nikki se retrouve au même rang que d’autres royaumes moins structurés, comme Itakété face à Kétou ou Dogbo face à Tado, ce qui est jugé contraire à la réalité historique.
  2. Des omissions et reclassements jugés injustes : Des royaumes majeurs comme Akpaki-Koburu de Parakou sont rétrogradés en chefferies, tandis que certaines zones entières, comme l’aire fon-Danhomè, voient leurs chefferies dépendantes ignorées.
  3. La création de royaumes de toute pièce : Certains territoires, sans réel passé royal, sont promus au rang de royaume, ce qui suscite incompréhension et protestations.
  4. L’ingérence de l’administration dans la légitimité des rois : La possibilité accordée au préfet ou au ministre de l’Intérieur de retirer l’acte de reconnaissance à un roi est vécue comme une menace directe à l’autonomie et à la sacralité des institutions traditionnelles. Un roi étant investi par la tradition, non par l’État, il ne saurait être déchu par une autorité politique.

Déclaration de Parakou du 14 juin 2025

Nous Rois, Reines, Chefs de Terre des Cours Royales du Bénin ou leurs Représentants dûment mandatés du fait des attributions conférées par Dieu et la Volonté des Ancêtres,

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Réunis en Concertation ce jour 14 Juin 2025 à Parakou sous le haut patronage de l’Empereur de Nikki, Sinaboko SERO TOROU TOUKOSSARI à propos de la Loi N°-2025-09 du 03 Avril 2025 portant régime juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin,

Venons par la Présente rendre publiques nos Préoccupations à travers la Présente Déclaration:

La réunion de Concertation de Parakou s’inscrit dans la tradition des autres principales réunions de Concertation telles celles de Cotonou le 30 mai 2016, de Nikki le 17 Juillet 2017 et dernièrement celle de Bassila le 23 décembre 2024 qui ont exprimé nos Préoccupations générales sur les vues du Pays et le devenir de Nos Institutions et Traditions- préoccupations que nous n’allons pas rappeler ici.

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L’objet de cette concertation de Parakou est de nous exprimer sur la récente loi N°-2025-09 du 03 Avril 2025 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin.

I-

Nous tenons à rendre hommage au Chef de l’Etat, Président Patrice Talon d’avoir fait diligence pour d’une part, avoir inscrit le sujet dans la Constitution et d’autre part, doter la Chefferie traditionnelle, d’une Loi. Cela nous l’attendions depuis longtemps pour mettre fin à l’anarchie qui depuis quelque temps s’est installée dans la royauté dans notre pays.

Nous le remercions infiniment.

Nous venons par la Présente demander sur Lui la protection des Ancêtres et prions pour qu’ils l’inspirent dans toutes ses Actions et Décisions.

II-

Nos Observations sur la Loi:

La loi tout en portant des dispositions positives contient cependant beaucoup de choses contraires à la Vie de nos Institutions.

Les Rois, Reines, Chefs de Terre ne comprennent pas que de façon générale, la loi ne veuille pas valoriser les savoirs et savoir-faire hérités de nos Ancêtres, à les moderniser ; qu’elle vise plutôt à maintenir nos Institutions comme objets du passé, uniquement comme des « gardiens » et « garants des us et coutumes »; autrement dit, qu’elle continue dans la ligne de l’œuvre de destruction systématique opérée par les colonisateurs français dans notre pays depuis 1894. Or, c’est sur l’ancienne corde que l’on tisse la nouvelle. La question en jeu embrasse l’ensemble de la société béninoise entière, chaque citoyen relevant et faisant partie d’une aire socio-culturelle donnée, soit de royauté, soit d’une chefferie traditionnelle et coutumière. C’est-à-dire qu’il ne s’agit point d’une question marginale. En clair pour nous, il s’agit d’insérer les Institutions traditionnelles dans les Structures administratives et juridictionnelles modernes de notre pays.

Les Rois, Reines, Chefs de terre ne comprennent pas :

1°- La non hiérarchisation au sein des royaumes.

Ils ne comprennent pas qu’on ne fasse pas de hiérarchisation au sein des royaumes- Ce qui fait que l’on met sur le même pied d’égalité tous les 16 Royaumes retenus qui sont cités sans aucune hiérarchisation consacrée pourtant par l’histoire et les traditions dans les différentes aires communautaires. A l’instar par exemple de l’aire Wassangari-Baatonou où le royaume de Nikki se trouve au même rang que les autres, ou le royaume d’Allada se trouve au même rang que Danhomè ou comme Itakété placé au même rang que Kétou, etc.

2°-Des omissions inexplicables de bon nombre de Royaumes et de Chefferies.

Au nombre des omissions on peut citer notamment le royaume Akpaki-Koburu de Parakou injustement déclassifiée en « chefferie de Korokou à Parakou » ; de nombreuses omissions ont été faites notamment au niveau des chefferies. Par exemple, à part le royaume du Danhomè, aucune Chefferie dépendante n’a été retenue dans l’aire fon-Danhomè. Toute l’aire Wao n’a eu droit qu’à une seule chefferie.

3°: La Création de royaumes où historiquement n’a jamais existé une Institution méritant le nom de Royaume.

Le cas le plus frappant est le royaume de Dogbo-Ahomè ; historiquement dans l’aire Aja-Tado, aucune entité n’avait acquis l’envergure de Royaume à l’exception de Tado.

Les Rois, Reines, chefs de terre ne comprennent pas que

4°- La possibilité soit donnée par la Loi à l’Administration – à « l’autorité préfectorale » et au Ministre de l’Intérieur- de destituer un Roi ou de lui retirer « l’Acte de Reconnaissance ». Or les pouvoirs des Rois, Chefs de terre ne dérivent point des autorités administratives mais des Pouvoirs conférés par la Tradition et les Ancêtres.

Avec cette disposition toute Institution traditionnelle est à la merci du Pouvoir politique du moment. Si un « Préfet » ou tout Ministre de l’intérieur ou de la Culture, peut retirer à tout Roi ou Chef traditionnel, sa Couronne qui est conférée, non par le Préfet, mais par les Règles traditionnelles, on est désormais à la merci de toute politique, et cela ira à l’encontre du principe que le Roi ne « fait pas de politique ».

Toutes ces dispositions confinent à la destruction et disparition à terme de nos Institutions qui font la raison d’espérer de notre pays. Car, on ne bâtit un pays que sur son Histoire et ses Traditions.

Enfin les Rois, Reines, Chefs de Terre du Bénin déclarent que de telles dispositions auraient pu être évitées si la loi avait été élaborée en étroite collaboration avec les Cours traditionnelles de notre pays.

Voilà pourquoi ils formulent le vœu ardent que

– Toute loi, pour se faire, tienne compte de l’avis des Institutions principales concernées et notamment veiller au respect des règles et lois coutumières régissant les institutions traditionnelles au Bénin et ne s’ingère pas dans l’organisation interne des royautés. Les seules limites à imposer à ces Institutions traditionnelles dans leur organisation interne, se résument en les trois éléments suivants : 1- Respect du caractère républicain de l’Etat du Bénin ; 2°- Respect de l’intégrité territoriale du Bénin ; 3°- Respect de l’ordre public et les bonnes mœurs. Il ne s’agit pas de légiférer en lieu et place et en dehors des Institutions traditionnelles.

Enfin les Rois, Reines et Chefs de Terre émettent le souhait que soit reformulé l’article 33, et faire inscrire dans la loi que : « L’Etat accorde au roi, au chef traditionnel et au chef coutumier ou à chaque chefferie traditionnelle, une allocation selon les conditions et modalités fixées par voie réglementaire », autrement dit transformer la « possibilité » en une obligation de l’Etat.

Pour toutes ces raisons, les Rois, Reines, Chefs de terre réunis ce jour 14 Juin 2025 à Parakou demandent que soit revue la Loi 2025-09 du 03 avril 2025(qui nous le répétons, constitue déjà une avancée)- pour faire place aux préoccupations ci-dessus exprimées.

Parakou, le 14 Juin 2025

La Concertation

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