L’artiste togolais King Papavi Mensah, grande figure de la musique traditionnelle et moderne au Togo, s’est exprimé pour la première fois sur l’arrestation de son jeune confrère, Aamron, alias Tchala Essowe Narcisse, interpellé récemment par les autorités togolaises. Cette sortie intervient après de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux pointant son silence.
Dans une interview diffusée sur les plateformes sociales, dont TikTok, King Mensah a partagé sa réaction face à la détention d’Aamron, avec qui il avait collaboré six mois plus tôt sur un morceau. Selon lui, cette arrestation est le reflet d’un malaise plus profond au sein de la société togolaise. S’exprimant en langue mina, l’artiste a reconnu que les propos d’Aamron sont le fruit d’une colère qu’il dit partager. « Aamron est très en colère. Mais il n’est pas le seul. Beaucoup de personnes le sont, moi y compris. »
« Je ne reste pas souvent sur le réseau social TikTok, mais récemment avec les échos qui me parviennent, j’ai décidé d’y aller pour voir concrètement ce qui s’est passé avec Aamron. J’ai fait une collaboration avec Aamron il y a de cela 6 mois, je dirais. Et lorsque j’ai fouillé en profondeur tout ce qui s’est passé et tout ce qu’il a dit, j’ai compris une chose à ma manière et cette chose, c’est qu’Aamron est très en colère. Cependant, Aamron n’est pas le seul à être en colère. Beaucoup de personnes sont en colère, même moi qui suis ici, je suis en colère et si je dis le contraire, c’est que j’ai menti », a déclaré en langue locale (Mina) l’artiste togolais de la chanson.
Pour King Mensah, cette colère n’est pas dirigée contre une personne en particulier, mais contre les conditions sociales et économiques du pays. « Depuis que je suis né, je ne connais qu’un seul opposant au Togo : la pauvreté », a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité pour les gouvernants de concentrer leurs efforts sur la lutte contre la précarité.
« Je ne suis pas en colère contre quelqu’un, mais je suis en colère par rapport à comment les choses se passent dans le pays. Ce n’est pas normal. Je dis souvent que la colère, c’est comme l’ivresse. Certains, quand ils sont ivres, ils se mettent à faire des palabres avec tout le monde. Mais d’autres, lorsqu’ils sont ivres, ils vont directement dormir. Dans le cas d’Aamron, je me dis que c’est sa colère qui s’est extériorisée. Il n’a pas pu se retenir. Mais j’insiste sur le fait que la colère d’Aamron nous anime tous. Certainement que ceux qui nous gouvernent aussi sont en colère et au même moment, nous qui sommes gouvernés, nous sommes aussi en colère même si ce n’est pas pour la même raison. Notre colère à nous, c’est autre chose. Depuis que je suis né, je ne connais qu’un seul opposant au Togo et c’est la pauvreté. Si on vous donne un pays à gouverner, votre premier combat doit être la lutte contre la pauvreté. Si vous parvenez à éloigner la pauvreté, ce sont les populations elles-mêmes qui vont vous applaudir », a-t-il ajouté.
Le chanteur a également évoqué le désespoir d’une jeunesse confrontée au chômage, illustrant son propos par le nombre croissant de diplômés contraints de se reconvertir en conducteurs de taxi-motos faute de perspectives professionnelles. « Tes parents investissent en toi, et au final, tu reviens chez eux pour demander de l’argent. Comment ne pas être en colère ? »
« Ce qui fait mal, c’est que lorsque tu es né, tes parents investissent sur toi pour que tu deviennes quelqu’un demain, mais un beau jour, tu n’arrives pas à leur rendre la pareille et tu es obligé de retourner chez eux pour demander de l’argent, on ne peut qu’être en colère », a martelé King Papavi Mensah toujours en langue locale.
À ce jour, aucune déclaration officielle n’a été faite par les autorités togolaises sur les motifs de l’arrestation d’Aamron. Ce silence alimente les interrogations sur les libertés d’expression et les tensions sociales dans le pays.
