Réparations coloniales : l’Afrique et la Caraïbe unissent leurs voix, le Tchad interpellé

La question des réparations liées à l’esclavage, à la colonisation et à leurs séquelles contemporaines s’impose de plus en plus sur la scène internationale. À la 80ᵉ session de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2025, plusieurs États africains et caribéens ont exhorté la communauté internationale à assumer ses responsabilités historiques.
Des dirigeants du Ghana, de la République centrafricaine, d’Haïti, de la Bolivie ou encore de la Barbade ont pris la parole pour réclamer des mesures concrètes. La présidente de l’Assemblée générale, Annalena Baerbock, a reconnu que l’héritage du colonialisme continue d’alimenter les inégalités mondiales, tandis que le secrétaire général Antonio Guterres a rappelé que « la justice est attendue depuis trop longtemps », appelant à affronter les « cicatrices ouvertes de l’histoire ».
Le 25 septembre 2025, un moment fort s’est tenu à New York avec une cérémonie organisée au National Memorial du cimetière africain, sous l’égide du Sénégal et du président Bassirou Diomaye Faye. En présence de plusieurs chefs d’État et représentants africains et caribéens, cette rencontre a marqué la volonté de transformer la mémoire en boussole pour l’avenir. L’Union africaine a d’ailleurs proclamé 2025 « Année de la justice et des réparations », donnant un cadre symbolique et politique à cette mobilisation.
Le débat dépasse désormais le seul cadre colonial. En mars 2025, un rapport européen a appelé l’OTAN à indemniser la Libye pour les destructions provoquées par son intervention militaire de 2011, pointant les conséquences désastreuses de l’opération : effondrement de l’État, montée du terrorisme et souffrances humaines massives. Cette approche élargit la question des réparations aux ingérences néocoloniales et interventions militaires contemporaines.
La dynamique a pris corps début septembre à Addis-Abeba lors du deuxième sommet Afrique–CARICOM. Des pays comme São Tomé-et-Príncipe et Haïti ont réitéré leurs revendications en faveur de compensations économiques, mais aussi de reconnaissance morale et culturelle des crimes commis. Avec le soutien de l’Union africaine et de la CARICOM, un front afro-caribéen se dessine pour porter cette cause à l’échelle mondiale.
Dans ce mouvement, le Tchad demeure en marge malgré un lourd héritage colonial marqué par la violence, l’exploitation économique et l’effacement culturel. Son Premier ministre, Allamaye Halina, a rappelé devant l’Assemblée générale un message du président Mahamat Idriss Déby sur la souveraineté des États africains et la nécessité de rejeter toute ingérence étrangère. La fin récente de la présence militaire française sur son territoire illustre une volonté d’émancipation, mais le pays n’a pas encore formulé de demande officielle de réparations. Pour de nombreux experts, le moment est venu d’aller plus loin et de revendiquer réparation pour des décennies de domination et de marginalisation.
Le Bénin, qui a obtenu en 2021 la restitution de 26 œuvres d’art pillées, le Rwanda, qui a reçu une reconnaissance de la France pour son rôle dans le génocide des Tutsis, ou encore la Namibie et l’Afrique du Sud, qui ont obtenu excuses, compensations ou politiques de redistribution, offrent des exemples d’avancées concrètes. Ces précédents montrent qu’avec une stratégie claire et une volonté politique forte, il est possible de transformer des revendications en résultats tangibles.
L’année 2025, proclamée année de la justice et des réparations, constitue une opportunité historique pour redéfinir la justice mondiale. Pour le Tchad comme pour l’ensemble du continent, l’enjeu est de se faire entendre d’une seule voix, cohérente et déterminée. La justice historique n’est pas un luxe idéologique mais une nécessité politique et morale, condition d’une paix durable, d’un développement réel et d’une souveraineté véritable.

