En visite officielle en Russie à l’occasion de la célébration de la victoire contre le nazisme, le président de la transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a accordé un entretien au média russe dans lequel il est revenu sur l’état des relations bilatérales avec Moscou, les perspectives économiques de son pays, la situation sécuritaire au Sahel et l’évolution de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES). Pour lui, la création d’une monnaie propre à l’AES est une priorité absolue.
Participant à la parade militaire du 9 mai à Moscou, le président burkinabè a souligné l’importance symbolique de cette célébration qui pour lui rappelle le rôle des Africains dans la Seconde Guerre mondiale. Il a salué l’excellence des relations avec la Russie notamment dans les domaines de la sécurité, de l’éducation, de la santé et du commerce.
Selon Traoré, le Burkina Faso souhaite notamment renforcer les échanges scientifiques et former davantage d’ingénieurs et techniciens, dans l’objectif de bâtir une industrie nationale et de développer l’autosuffisance. « Nous voulons implanter des universités techniques similaires à celles de Russie sur notre sol », a-t-il affirmé.
Selon le chef de la transition au Burkina, le pays table sur une croissance de 5,6 % en 2025, portée par le secteur aurifère, mais aussi par une ambitieuse offensive agricole visant l’autosuffisance et l’exportation. « Nous labourons gratuitement les champs des nouveaux paysans et investissons dans la maîtrise de l’eau pour produire plusieurs fois par an », a-t-il déclaré.
Le pays entend également reconquérir son industrie minière et transformer localement ses ressources. À cela s’ajoute l’objectif stratégique de mettre fin à l’importation de produits comme le blé, pour lequel le Burkina a déjà entamé la production domestique.
Sur le plan sécuritaire, Ibrahim Traoré alerte que ce qui se passe au Burkina « n’est pas du terrorisme, c’est de l’impérialisme ». Il accuse des puissances étrangères non nommées de soutenir les groupes armés actifs dans la région, affirmant que « des formateurs venus de l’étranger forment les terroristes au maniement d’explosifs et de drones ». Le président burkinabè estime que ces conflits sont entretenus pour freiner le développement du Sahel.
La monnaie de l’AES : cap stratégique pour la souveraineté
Interrogé sur l’intégration en cours des pays membres de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger), le capitaine Traoré insiste sur le fait que « La monnaie de l’AES, c’est un impératif. » Si aucune date précise n’a été annoncée, il confirme que le processus est enclenché. Des travaux sont en cours pour harmoniser les politiques diplomatiques, économiques et sécuritaires entre les trois États membres. « Nous avançons méthodiquement, car les niveaux ne sont pas les mêmes dans chaque pays. », ajoute t’il.
Aussi, le président burkinabè a confirmé que d’autres pays montrent de l’intérêt pour rejoindre l’alliance, tout en affirmant qu’une intégration élargie ne pourra avoir lieu qu’après consolidation des bases. Il critique par ailleurs le regard condescendant que porterait la France sur les pays africains, dénonçant une approche paternaliste et une communication biaisée des médias occidentaux. Il appelle à « l’éveil des consciences africaines » et exhorte les médias locaux à jouer un rôle dans la reconstruction du récit africain.