Dans l’affaire dite de coup d’Etat déjoué impliquant l’homme d’affaire Olivier Boko et l’ancien ministre Oswald Homeky, la cour constitutionnelle a été saisie par leur conseil de deux recours.
La première requête des conseils de Boko, Homeky et Cie vise les juges de la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET. Dans cette requête, les avocats accusent les magistrats de violation de la Constitution.
Ils estiment que les juges ont violé la loi organique sur la Cour constitutionnelle. Ils ont aussi formé un recours en inconstitutionnalité de l’arrêt confirmant le renvoi de la procédure contre Boko, Homéky et Cie devant la chambre de jugement.
Au soutien de leurs allégations, les avocats des deux personnalités indiquent qu’après avoir interjeté appel en instruction, ils ont été invités par le juge d’instruction à prendre connaissance du dossier en appel et produire leur mémoire. Les conseils assurent s’être exécutés. Ils soulignent avoir par la même occasion récusé les juges et soulevé une exception d’inconstitutionnalité.
Les griefs des avocats contre les juges
Les avocats, dans leur requête devant la Cour Constitutionnelle, font savoir que leurs requêtes n’ont pas été examinées. Ils apprennent que les juges ont vidé la saisine confirmant le renvoi de la procédure en jugement sans prendre en compte leurs observations. Selon les requérants, les juges ont mentionné dans « leur décision que les avocats de la défense n’ont déposé aucun mémoire au dossier judiciaire ».
Pour les avocats, en procédant ainsi, les juges ont violé, d’une part, les articles 122 de la Constitution et 37, alinéa 5, de la loi n°2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle.
Selon ces professionnels de droit, les juges ont, d’autre part, violé les articles 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH).
Défense des juges incriminés
Pour sa défense, le président de la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET observe que les recours des trois conseils méritent d’être déclarés irrecevables. Cela, au motif que lorsqu’un magistrat du siège est membre d’une composition collégiale, il ne peut être tenu ni personnellement, ni individuellement ou collégialement responsable de la décision rendue.
Il explique que dans une formation collégiale, les décisions ne sont pas prises à l’unanimité des magistrats, mais à la majorité. Étant tenu par le secret des délibérations, le président de la commission d’instruction a fait savoir qu’il ne saurait dévoiler le nom des juges qui, au sein de la formation collégiale, ont voté en faveur de la décision prise
Le juge poursuit sa défense en relevant qu’aux date et heure fixées aux avocats de la défense pour présenter leurs conclusions, aucune observation ni exception ne sont parvenues à la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET. Il a demandé donc à la Cour de débouter les requérants purement et simplement.
Les autres juges de la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET visés par les requêtes se sont alignés sur les arguments présentés par le président de la section.
L’examen des recours par la cour
La Cour constitutionnelle a confirmé la recevabilité des requêtes des avocats de Olivier Boko et Oswald Homéky en se référant à l’article 3, alinéa 3, de la Constitution. La Haute juridiction a constaté que les identités des requérants ont été mentionnées sur les recours comme le stipule l’article 32, alinéa 2, du règlement intérieur de la Cour. Elle a jugé les requêtes des conseils recevables.
Sur le recours des requérants qui reprochent aux juges de la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET d’avoir violé, d’une part, les articles 122 de la Constitution et 37, alinéa 5, de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, d’autre part, les articles 7 de la CADHP et 10 de la DUDH, la Cour oppose la réponse des magistrats. Ceux-ci ont affirmé n’avoir pas reçu ladite exception dans les délais par eux assignés aux avocats de la défense.
Selon la Cour, pour reprocher à un juge d’avoir passé outre une exception d’inconstitutionnalité, il est au préalable nécessaire que la partie ayant soulevé ladite exception rapporte la preuve de sa réception par le juge qui en est destinataire dans le délai par lui fixé.
La Cour apprend qu’elle ne dispose aucune pièce au dossier lui permettant de vérifier si l’exception querellée a été régulièrement portée à la connaissance de la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET par les avocats requérants dans le délai à eux prescrit.
De ce fait, la Cour a jugé qu’il convient de rejeter le moyen tiré de la violation des articles 122 de la Constitution et 37, alinéa 5, de la loi organique sur la Cour constitutionnelle sans qu’il soit besoin de statuer ni sur la violation des articles 7 de la CADHP, 10 de la DUDH, ni sur la constitutionnalité de l’arrêt rendu par la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET.
Au terme de l’examen des requêtes et de l’exposé des argumentaires, le juge constitutionnel a conclu qu’il n’y a pas eu violation de la Constitution.
Recours de Me Ayodélé
Dans un second recours porté par maître Ayodélé Ahounou, il est question des nullités et une exception en inconstitutionnalité devant la section de l’instruction en appel.
L’avocat dénonce que les juges ont donné acte et transmis l’exception d’inconstitutionnalité soulevée à la Cour sans surseoir à statuer, et en vidant sa saisine. Il estime qu’ils ont méconnu la constitution.
Dans sa décision, la Haute juridiction a rappelé qu’elle a déjà déclaré l’irrecevabilité de l’exception évoquée dans le temps au motif qu’elle ne respecte pas les exigences légales.
La Cour a conclu qu’elle ne peut plus connaître du traitement à elle réservé par la juridiction qui en a été saisie. Elle s’est donc déclaré incompétente.