Madagascar: révélations sur la fuite du président Andry Rajoelina

Les imbéciles osent tout. On les reconnaît à ça. Et quand il s’agit de la France à Madagascar, on croirait assister à la remise d’un pompon d’or. En coulisses, l’évasion du président déchu Andry Rajoelina ressemble à un scénario de film : un avion militaire français, des négociations au téléphone à l’Élysée, des promesses murmurées aux officiers rebelles, et la fuite d’un homme que la jeunesse malgache accuse d’avoir fait tuer des manifestants. Mais que s’est-il réellement passé ? Et quels intérêts ont motivé Paris ?
Le 12 octobre 2025, la France aurait dépêché un appareil militaire pour « exfiltrer » Andry Rajoelina, selon des éléments qui ont fuité. L’ancien président — autrefois DJ, devenu autocrate selon nombre d’observateurs — a quitté Antananarivo dans la confusion après des jours de manifestations et une mutinerie militaire. L’opération a été menée dans l’urgence et sous haute tension : des parachutistes français auraient été embarqués, avec pour consigne, selon certaines sources, d’être prêts à faire feu si les forces malgaches empêchaient l’évacuation. Oui, vous avez bien lu : l’hypothèse d’un tir sur des soldats malgaches a été évoquée dans les coulisses. Si elle est exacte, elle révèle l’ampleur du désarroi et de l’improvisation à Paris.
Du côté des explications officielles, c’est le silence ou la langue de bois. Le président français, embarrassé, a multiplié les déclarations prudentes, appelant au respect de l’ordre constitutionnel et à la protection des populations. Mais derrière ces mots, le tableau est plus troublant. Pourquoi sauver un dirigeant contesté, accusé par des organismes internationaux d’avoir ordonné la répression de la contestation, alors même que son départ semblait inévitable ?
Pour comprendre, il faut remonter aux réseaux et aux amitiés. Andry Rajoelina ne serait pas un simple chef d’État isolé. Il aurait noué, au fil des années, des liaisons politiques et financières avec des figures influentes en France. Parmi elles, l’ancien président Nicolas Sarkozy est cité. Proche d’un pan de l’élite politique française, il aurait joué un rôle d’intermédiaire au moment critique. Selon des informations parfois rapportées dans les cercles diplomatiques, Sarkozy aurait personnellement appelé Emmanuel Macron pour plaider la cause de Andry Rajoelina. Une main-à-main entre anciens et nouveaux maîtres de la maison Élysée, révélatrice des canaux informels qui subsistent entre hommes politiques.
Autre fil rouge, le chantage. Face à la perspective d’être arrêté et jugé, Andry Rajoelina aurait brandi la menace de révélations compromettantes — des commissions occultes, des transferts d’argent vers l’étranger, des dossiers sensibles impliquant des personnalités étrangères — pour obtenir son évacuation. Ces allégations, difficiles à vérifier publiquement, ont cependant été évoquées comme moteur de l’intervention française. Si tel est le cas, nous sommes en présence d’une diplomatie à la fois cynique et affairiste car on négocie à coups de secrets et d’intérêts, non sur la base du droit ou de la morale.
La géopolitique locale n’est pas en reste. Andry Rajoelina s’était rapproché depuis quelques années de la Russie et avait refusé certaines demandes françaises — notamment le projet d’une base militaire à Diego Suarez et la question sensible des îles Éparses, revendiquées par Madagascar. Ces dossiers, loin d’être accessoires, matérialisent des intérêts stratégiques et économiques — ZEE, ressources halieutiques, potentielles réserves d’hydrocarbures — qui rendent l’archipel précieux pour de nombreux acteurs internationaux.
Sur le terrain, l’épisode a laissé des traces profondes. La jeunesse malgache, qui s’était mobilisée massivement contre la corruption et la féodalité du pouvoir, se sent trahie. Une partie de l’armée, incarnée par le Corps appelé Capsat et son chef, le colonel Michael Ranjanin (nom cité dans plusieurs témoignages), s’est soulevée pour faire tomber Andry Rajoelina et obtenir la restitution présumée des fonds détournés. Un accord aura été négocié : amnistie d’anciens officiers, garanties politiques, départ de l’homme-fort vers l’étranger en échange d’un abandon partiel du pouvoir. Mais la transaction a capoté. Une fois à Dubaï, l’ex-président n’aurait pas respecté la clause prévue — la démission — et aurait finalement tenté de rester dans le jeu.
L’affaire s’est transformée en crise diplomatique. Les autorités françaises se sont trouvées entre le marteau des engagements pris à la hâte et l’enclume de l’indignation publique. Dans les chancelleries, la suspicion règne. La France est accusée d’avoir protégé un bourreau, payant ainsi le prix d’un chantage. À l’inverse, certains défenseurs de l’intervention invoquent la nécessité d’éviter un effondrement institutionnel pouvant plonger Madagascar dans le chaos et frapper les populations les plus vulnérables.
Quelles leçons tirer de ce feuilleton ? D’abord, que la Françafrique n’a jamais totalement disparu. Des lignes d’influence et des circuits informels continuent d’exister, parfois au détriment de la transparence et du droit. Ensuite, que l’intervention extérieure, même quand elle se veut humanitaire ou stabilisatrice, laisse toujours des séquelles politiques et morales — surtout quand elle apparaît d’abord comme une solution pour protéger des intérêts privés ou des réseaux d’influence.
Enfin, le message porté par la jeunesse malgache est clair et exige justice et rupture avec des pratiques où l’argent et les protections l’emportent sur la responsabilité. Si la France veut préserver son influence, elle devra repenser sa posture. Sauver un allié compromis ne peut pas se faire au prix de la crédibilité démocratique ni du mépris de la colère populaire.

