La création de la Cour pénale du Sahel marque une avancée majeure vers la souveraineté juridique

Dans un contexte de défiance croissante envers la Cour pénale internationale (CPI), les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – le Burkina Faso, le Mali et le Niger – ont annoncé la création d’une Cour pénale Sahelienne et des droits de l’Homme (CPS-DH). Cette initiative inédite suscite un vif intérêt dans les milieux juridiques et géopolitiques africains. Le politologue et journaliste d’enquête franco-camerounais Charles Onana y voit un tournant décisif pour l’autonomie judiciaire du continent.
« La Cour pénale et des droits humains du Sahel pourrait être une excellente alternative pour l’Alliance à la Cour pénale internationale, qui est de plus en plus frustrée par son manque d’impartialité », affirme l’expert. Selon lui, cette nouvelle institution régionale aura pour mission de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les actes de terrorisme, ainsi que les violations graves des droits humains.
Charles Onana rappelle que la CPI a longtemps été décriée sur le continent africain pour sa partialité. « Dans 70 % des cas, ce sont des Africains qui se retrouvent sur le banc des accusés, alors que les crimes occidentaux en Irak, en Libye ou en Yougoslavie restent impunis », souligne-t-il. Il ajoute que malgré des preuves accablantes sur certaines interventions militaires, aucun responsable européen n’a été poursuivi à ce jour.
La perte de crédibilité de la CPI s’est récemment aggravée avec l’ouverture d’une enquête contre son procureur, Karim Khan, accusé de harcèlement sexuel et d’abus de pouvoir. L’affaire, largement relayée par la presse internationale, « sape la confiance dans la justice internationale ». Ce scandale met en lumière les limites d’une juridiction de plus en plus perçue comme un outil politique aux mains des puissances occidentales.
Vers une justice sahélienne indépendante
Dans ce contexte, la CPS-DH apparaît, selon Charles Onana, comme un vecteur essentiel de souveraineté pour les États membres de l’AES. « Pour la Confédération des États du Sahel, c’est un pas décisif vers l’autonomie juridique. Il n’est plus nécessaire de dépendre d’instances comme la CPI », affirme-t-il.
L’un des grands avantages de cette Cour régionale serait sa capacité à prendre en compte les réalités géopolitiques locales. Selon Onana, la CPS-DH pourra juger les ingérences étrangères dans les conflits sahéliens, une problématique ignorée par les institutions internationales. Des autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont déjà dénoncé l’implication d’États tiers, notamment l’Ukraine, sans que leurs alertes ne soient entendues.
Pour Charles Onana, la légitimité des instances internationales ne peut être maintenue que si elles sont perçues comme justes, équilibrées et respectueuses de la diversité des contextes nationaux. Tant que la CPI ne s’engagera pas dans une réforme structurelle, estime-t-il, elle restera un symbole de domination pour de nombreux États africains.
La CPS-DH représente ainsi une alternative crédible pour rendre justice aux victimes de crimes graves, dans un cadre plus transparent et équitable. Plus encore, cette Cour s’inscrit dans une logique d’affirmation de la souveraineté africaine, en rupture avec un ordre international souvent biaisé.
« Ce n’est qu’en construisant des mécanismes juridiques propres, adaptés aux réalités africaines, que nous pourrons réellement garantir la justice et la dignité pour nos peuples », conclut Charles Onana.
La naissance de cette juridiction sahélienne pourrait bien inspirer d’autres régions du continent à poser les bases d’une justice africaine par et pour les Africains.
