Bénin: les femmes handicapées peinent à accéder à la planification familiale
Au Bénin, de nombreuses femmes vivant avec un handicap peinent à accéder, en dignité et en sécurité, aux services de planification familiale. Entre infrastructures sanitaires inadaptées, préjugés sociaux et manque de formation du personnel, leurs droits en santé sexuelle et reproductive demeurent fragiles, malgré l’existence de lois protectrices et d’efforts gouvernementaux.

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« Quand une femme handicapée arrive pour parler de santé reproductive, on la regarde comme si elle n’avait pas besoin de ces services. C’est comme si nous ne comptons pas parmi celles qui doivent bénéficier de la planification familiale. Tu peux entendre, elle fait ça aussi ? », voilà, entre autres, les préjugés que fustige dame Ameyo Ahouansou personne handicapée motrice.
Pour elle, l’accueil ne facilite pas la tâche aux femmes handicapées. « Quand tu entres, tous les regards sont sur toi. Si tu n’es pas forte mentalement, la tension monte avant même la consultation. »
Préjugés, inaccessibilité et manque de formation
« Tu arrives avec tes béquilles et tu te retrouves face à des marches. On te porte comme un colis. C’est humiliant.», se désole dame Ameyo. Elle soutient que pour les femmes malvoyantes ou sourdes, il n’y a aucun balisage, aucun interprète en langue des signes. « Le médecin ne comprend pas, la patiente non plus. Comment expliquer son problème ? ».
Pour elle, avec ces difficultés, ces préjugées, ces regards accusateurs, quelle femme handicapée irait encore s’humilier pour demander conseil en planification familiale. « On ne peut pas toujours accuser les soignants, on ne les a pas formés. L’État doit les sensibiliser, les outiller, pour qu’ils sachent nous prendre en charge. L’accessibilité, l’accueil, la communication, si on les corrige, on soulage nos peines et on ouvre enfin la planification familiale aux femmes handicapées. »
« Nos droits à la santé sexuelle et reproductive ne sont pas une faveur. Traitez-nous comme toutes les autres, et parfois un peu plus, parce que notre parcours est plus lourd. J’attends un système qui nous accueille, nous écoute et nous respecte; pas un lieu où la maladie se double de honte. »
Ameyo Ahouansou
Comme Ameyo, d’autres femmes vivent aussi cette exclusion, à l’image de Prudence Dakè, assistante administrative et femme handicapée. Elle affirme avoir, elle aussi, cherché des informations sur la planification familiale mais sans succès. « J’ai consulté, mais j’ai été déçue. On ne me donnait pas d’informations convaincantes. Le personnel m’a dit que, vu mon état, mieux valait éviter la planification familiale au risque de manquer d’enfants plus tard. Je ne l’ai pas pris pour une discrimination, plutôt une “mise en garde”», a-t-elle. confié.
Aujourd’hui, Prudence Dakè utilise le préservatif, « simple, disponible et peu cher. ». Mais elle est convaincue que « le personnel (sanitaire NDLR) n’est pas assez formé pour nous donner des informations claires et adaptées. ». C’est pourquoi, elle plaide, pour ses sœurs en situation de handicap, pour des moyens de contraception subventionnés, des centres accessibles et une écoute réelle.
Des lois existent, la mise en œuvre patine
Personne handicapée physique et journaliste spécialiste des questions de handicap et droits humains, Marcel Candide Hinvi est secrétaire général du réseau des associations de personnes handicapées du département du littoral et chargé de communication de la fédération des associations des personnes handicapées du Bénin. Pour lui, « les femmes handicapées ont les mêmes droits que toutes les autres à la planification familiale : c’est une question d’égalité des chances et de bien-être« .
Il reconnait que malgré des avancées, les obstacles persistent notamment l’inaccessibilité, les préjugés et moqueries. « On se demande encore si une femme handicapée peut avoir des enfants ou des relations sexuelles. Le travail reste à faire : former, sensibiliser, communiquer pour que la personne handicapée ne soit plus un sujet de discrimination», a-t-il recommandé.
« Nos sœurs handicapées doivent être prises en compte dans leurs droits sexuels et reproductifs, elles sont appelées, comme toutes les femmes, à fonder un foyer, à faire des enfants et à les éduquer », a plaidé Marcel Candide Hinvi. Face à ces réalités, que dit la loi béninoise et quelles protections existent pour ces femmes ?
Un cadre juridique en attente d’application ?
Il n’y a pas de loi nationale spécifique sur les droits des personnes handicapées à la santé sexuelle et reproductive au Bénin. Mais le Bénin s’est doté d’outils juridiques censés garantir ces droits. La Loi n°2017-06 du 29 septembre 2017 sur la protection et la promotion des droits des personnes handicapées consacre l’accès aux soins de santé par le biais d’« aménagements raisonnables ».
De plus, la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), ratifiée par le Bénin, garantit le droit à la santé, incluant la santé sexuelle et reproductive. L’article 21 de la loi béninoise insiste sur l’égalité d’accès aux services de santé, tandis que la CDPH interdit toute atteinte à l’intimité et à la vie privée.
Mais les textes peinent à produire leurs effets. « La loi existe, mais l’absence de décrets d’application freine sa mise en œuvre », se désole Candide Hinvi. Il évoque le manque de formation du personnel de santé, la persistance de préjugés et les infrastructures inadaptées qui continuent de limiter la jouissance effective de ces droits.
Face à ces défis, le gouvernement béninois, à travers le ministère des Affaires sociales, multiplie néanmoins les actions de sensibilisation et de plaidoyer pour l’inclusion. L’adoption de la loi de 2017 constitue une étape importante, mais les associations de personnes handicapées appellent à accélérer l’application concrète des mesures prévues.
Un effort salué, mais jugé encore insuffisant par les associations. Et comme ‘souhaité Ameyo Ahouansou, « nos droits à la santé sexuelle et reproductive ne sont pas une faveur. Traitez-nous comme toutes les autres, et parfois un peu plus, parce que notre parcours est plus lourd. »

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