La suite après la publicité
La suite après la publicité

Decret n° 2025-197 : une occasion manquée de repenser l’EFTP au Bénin ?

Le décret n°2025-197 du 23 avril 2025, promulgué par le président Patrice Talon, se voulait un jalon structurant pour la réforme de l’Enseignement et de la Formation techniques et professionnels (EFTP) au Bénin. Présenté comme un texte de modernisation et de gouvernance, il soulève pourtant de nombreuses interrogations sur sa portée réelle et sa capacité à transformer en profondeur le système éducatif.

SOCIéTé
1 145 vues
Lycee Technique et professionel de Tchaourou
Lycee Technique et professionel de Tchaourou
4 min de lecture
Google News Commenter

SOMMAIRE

La suite après la publicité
Benin Web TV 2.0 est disponibleVous êtes actuellement sur la version classique du site. Rejoignez notre version 2.0 pour plus de fun, plus de rapidité et plus d'interaction.Rejoindre Maintenant

Le texte balise l’ensemble du fonctionnement des établissements publics de formation technique, de leur création à leur dissolution, en passant par la gouvernance, les missions, la gestion administrative et financière, ainsi que l’articulation avec les acteurs économiques, sociaux et territoriaux. Il insiste sur l’autonomie pédagogique, administrative et financière, et met en place une architecture institutionnelle dense, articulée autour d’un conseil d’administration, d’un conseil de gestion, d’un comité de direction et d’un conseil pédagogique.

A lire aussi: Bénin: tout savoir sur le decret n° 2025-197 portant statuts-types des collèges et lycées publics

Sur le plan formel, le décret introduit aussi des mécanismes de reddition de comptes, un suivi des performances via des contrats d’objectifs, et une participation de divers acteurs – entreprises, collectivités, chambres consulaires – aux processus de pilotage.

Mais malgré cet affichage, l’analyse du dispositif révèle une contradiction majeure, celle de la centralisation du pouvoir décisionnel. La nomination des chefs d’établissement par décret en Conseil des ministres, sur proposition du ministre de tutelle, après appel à candidatures, montre cette volonté de verrouillage administratif. Le processus, bien que présenté comme ouvert et méritocratique, semble peu compatible avec les standards de dépolitisation de la gestion scolaire appliqués ailleurs, notamment dans les pays anglophones où les promotions des chefs d’établissement sont régies par des plans de carrière fondés sur l’ancienneté, la performance pédagogique et le leadership.

L’appel à candidatures, en l’absence de garanties institutionnelles solides sur la transparence des sélections, risque de devenir un outil de légitimation formelle de décisions politiques préalablement arrêtées. Dans ce contexte, la notion d’autonomie affichée paraît davantage théorique que réelle.

Une faiblesse persistante de la dimension pédagogique

Autre point d’inquiétude, la place secondaire accordée à la pédagogie. Si le texte mentionne l’autonomie pédagogique, il reste silencieux sur les fondamentaux d’un système performant que sont une formation initiale rigoureuse, une évaluation continue des enseignants, des certifications pédagogiques, des parcours de spécialisation. Aucune stratégie nationale de renforcement des capacités enseignantes n’est définie. Or, dans les pays africains les plus avancés en matière d’EFTP – Maroc, Égypte, Rwanda ou Ghana – les proviseurs sont issus d’un vivier d’enseignants formés, évalués, puis sélectionnés pour leur capacité à piloter des établissements en fonction de leur performance réelle.

Le décret béninois ne fixe aucun critère objectif d’affectation ou de classement des établissements selon leur rendement pédagogique, leur taux d’insertion ou leur impact économique. Le risque est réel de voir la gouvernance éducative se résumer à une série de nominations politiques sans lien direct avec les exigences du terrain.

Aussi, les objectifs de suivi de l’insertion professionnelle, pourtant affirmés, ne sont assortis d’aucun mécanisme de mesure clair. Ni indicateurs de performance, ni dispositif de traçabilité des anciens apprenants, ni engagement chiffré en matière d’insertion ne figurent dans le décret. Il n’est pas non plus prévu de classement public des établissements selon leurs résultats ou leur contribution au marché du travail.

Cette absence d’exigence de résultats risque de nuire à l’efficacité du système, à rebours des expériences inspirantes menées dans plusieurs pays africains où les établissements sont évalués sur la base d’indicateurs mesurables (emploi à six mois, retour des entreprises partenaires, taux de satisfaction des diplômés…).

Enfin, si le décret évoque la mobilisation de ressources propres (production, partenariats, formations continues), il ne précise pas les mécanismes d’amorçage financier permettant aux établissements d’assumer une telle ambition. À défaut d’un appui structurel massif de l’État ou de partenaires, les établissements pourraient être placés dans une double impasse : devoir produire plus avec peu, tout en étant tenus à des obligations de performance difficilement tenables.

Une occasion manquée de repenser l’EFTP ?

Le décret n°2025-197, bien qu’annonciateur d’une volonté de réforme, semble souffrir d’un excès de technicité, d’une gouvernance trop verticale et d’un déficit de vision pédagogique. Il aurait pu être l’occasion de poser les fondations d’un système d’EFTP fondé sur le mérite, la transparence et les résultats. Il consacre plutôt la perpétuation d’un modèle centralisé, où la forme l’emporte sur le fond.

À NE PAS MANQUER

Commentaires

Benin Web TV 2.0 est disponibleRejoindre Maintenant