La filière soja, fleuron de la stratégie agricole et industrielle du Bénin, est aujourd’hui au centre d’une vive controverse politique. Le parti d’opposition Les Démocrates a interpellé le gouvernement, exigeant des explications précises sur les mécanismes d’exportation et de valorisation du soja produit localement.
Ces dernières années, la production nationale de soja a connu un essor remarquable. Une croissance spectaculaire… mais sous surveillance: 156 900 tonnes en 2017, 253 953 tonnes en 2021, près de 400 000 tonnes en 2022-2023…
Cette croissance a été portée par une vision stratégique qui est de favoriser la transformation locale pour créer de l’emploi, générer de la richesse et structurer une filière industrielle durable. Des mesures fortes ont été prises à savoir l’interdiction de l’exportation terrestre du soja brut, taxation des exportations maritimes, fixation de prix officiels d’achat aux producteurs, incitations pour les industries locales de transformation. Mais malgré ces avancées, la filière traverses bien des controverses poussant l’opposition parlementaire à interpeler le gouvernement.
Les soupçons soulevés par Les Démocrates
En effet, malgré cette dynamique, plusieurs parlementaires du parti Les Démocrates affirment que la réalité ne correspondrait pas à la volonté affichée. Dans une interpellation officielle, ils évoquent l’octroi par l’État béninois de deux agréments exceptionnels :
L’un pour l’exportation de 100 000 tonnes, l’autre pour 50 000 tonnes de soja grain. Ces autorisations seraient contraires à l’esprit des réformes mises en place, selon les députés Nouréni Atchadé et Habibou Woroukoubou, qui demandent des éclaircissements immédiats. Leur soupçon est renforcée par l’amendement de la loi des finances 2025.
L’amendement de la loi des finances 2025 a introduit en effet une dérogation: les entreprises transformatrices de soja peuvent exporter sans taxe la part de leur stock non transformée, mais à hauteur du volume déjà transformé pendant la même campagne.
Les Démocrates redoutent que cette disposition soit détournée, et exigent la transparence sur les quotas réellement transformés et exportés, ainsi que sur l’identité des entreprises bénéficiaires.
L’interpellation de l’opposition parlementaire
Dans une série de questions orales avec débat au gouvernement, plusieurs députés du groupe parlementaire Les Démocrates demandent au gouvernement d’ouvrir le débat sur des questions précises.
« Il nous est revenu de source digne de foi, que le ministère de l’industrie et du commerce aurait donné en début de ce mois de mai 2025, deux autorisations d’exportation de soja grain au titre de la campagne 2024-2025. L’une pour l’exportation de 100 000 tonnes et l’autre pour 50 000 tonnes de soja », lit-on dans l’interpellation du parti Les Démocrates.
Or, précise le même document, « un amendement à la loi des finances 2025 a permis d’insérer une mesure visant à autoriser l’exportation de soja sans taxe et droits de douane pour les entreprises transformatrices de soja à concurrence du stock non transformé à la fin de la saison et avant la campagne suivante. Ainsi, selon la nouvelle formulation de ladite mesure dans la loi des finances 2025, du 1er janvier au 31 décembre 2025, les industries transformatrices de soja, qui n’ont pas pu transformer l’intégralité de leur stock, acquis durant une campagne, peuvent exporter une partie du stock résiduel en exonérant les droits de douane à concurrence de la quantité transformée pendant cette saison ».
L’opposition parlementaire à travers sa prérogative de contrôle de l’action gouvernementale a interpellé le gouvernement pour qu’il éclaire l’opinion sur toutes les mesures prises et en cours autour de la commercialisation du coton.
Rappelons que la commercialisation du coton graine a traversé par plusieurs péripéties sous le régime de la rupture avec des mesures draconiennes interdisant aux producteurs de vendre leur production dans les pays voisins et au prix qu’ils veulent.
Des mesures qui ont été finalement assouplies le 16 novembre 2023. Selon un communiqué rendu public par le gouvernement, les producteurs de soja peuvent vendre leurs produits à qui ils veulent et aux prix voulus.
« Le commerce du soja grain est libre sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, les opérations d’achat, de vente, de transport, les prix, les dates de démarrage et de fin des opérations, sont librement fixés par les acteurs. L’exportation du soja est libre, sans agrément et se fait exclusivement par le Port de Cotonou », mentionne le communiqué.
Le même communiqué précise « la contribution à la recherche et à la promotion agricole (CRA) perçue au cordon douanier, à la charge exclusive des exportateurs, est désormais fixée à 30 FCFA par kilogramme de soja grain au lieu de 140 FCFA au titre de la campagne écoulée ».