Cuire sans détruire: les légumes, secrets de santé et de bien-être au Bénin

Alors que la consommation de légumes demeure insuffisante au Bénin, nutritionnistes, producteurs et chefs alertent sur l’urgence d’adopter de nouvelles habitudes alimentaires. De la production locale aux pratiques culinaires, en passant par la cuisson à l’étouffée ou à la vapeur douce, tous insistent sur la nécessité de préserver nutriments et saveurs, afin de protéger la santé publique et d’assurer le bien-être des populations.
La consommation quotidienne de légumes est un pilier reconnu de la santé et du bien-être. Pourtant, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la plupart des ménages ouest-africains ne parviennent pas à atteindre la recommandation de 400 g par jour. Au Bénin, ce déficit alimentaire inquiète les spécialistes. « Nous vivons une baisse considérable de consommation des légumes », alerte Serge Patrick Zinvoedo, nutritionniste, diététicien et professeur.
« Cette sous-consommation est un facteur majeur des maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardiaques ou encore l’insuffisance rénale. »
Selon lui, « il est impératif de revoir nos habitudes culinaires et d’intégrer davantage de légumes dans nos repas quotidiens« .
L’art de bien cuire pour préserver les nutriments
L’un des principaux problèmes identifiés réside dans les mauvaises pratiques de cuisson. Trop souvent, les vitamines et minéraux s’évaporent sous l’effet d’une cuisson excessive. Pour Serge Patrick Zinvoedo, la solution réside dans « le mode de cuisson à l’étouffée », qui permet de conserver les nutriments. « Quand les légumes gardent leur couleur verte, c’est le signe qu’ils conservent leurs bienfaits », insiste-t-il.
De son côté, le chef de cuisine Jean-Roland Agbogba, plus connu sous le nom de Chef Roland, a lui aussi modifié ses pratiques : « J’ai longtemps blanchi les légumes en jetant l’eau de cuisson, mais aujourd’hui, je la réintègre dans mes sauces. Cela permet de conserver la saveur et les éléments nutritifs intacts. »
Cette démarche a porté ses fruits. « La majorité de mes clients apprécient davantage mes plats. Ils sentent que les légumes sont frais et savoureux », confie le chef, qui recommande vivement la cuisson à vapeur et la pré-cuisson douce.
Consommer local, une alternative saine et durable
Au-delà de la préparation, la question de l’origine des légumes est cruciale. Fredy Dandy, secrétaire général de la coopérative villageoise de Togbin Daho, insiste sur l’importance de privilégier les productions locales : « Ce que nous produisons chez nous, nous savons comment c’est traité. Nous utilisons des méthodes naturelles, avec des fientes de volaille et sans produits chimiques. »
Cette garantie de qualité contraste avec les incertitudes entourant certains produits importés. « Les légumes de l’extérieur, nous ne savons pas quels engrais ou OGM ils contiennent », poursuit-il.
Pour lui, le mot d’ordre est clair, « Consommons local, car c’est meilleur pour la santé et pour notre économie. »
Les méthodes locales permettent en outre une conservation naturelle des légumes. « Sous l’ombre et avec un peu d’eau aspergée régulièrement, nos légumes peuvent se conserver jusqu’à six jours », explique Fredy Dandy.
Et l’assiette devient remède
Au Bénin, les légumes ne sont pas seulement un aliment. Ils sont une véritable médecine naturelle. « Avec les légumes, nous prévenons les inflammations et renforçons la flore intestinale », explique Serge Patrick Zinvoedo. Le spécialiste recommande notamment de laver les légumes avec du citron et du sel afin d’éliminer microbes et bactéries responsables de maladies comme la fièvre typhoïde ou la diarrhée.
Pour illustrer cette dimension thérapeutique, il cite l’exemple du glaceman (légume disponible au sud du Bénin) ou « langue de bœuf », un légume riche en eau. « Inutile de le cuire avec potasse ou bicarbonate, cela détruit ses vitamines. Il suffit de le râper finement et de l’accompagner d’un jus simple. Vous conservez alors toutes ses propriétés. »
Mariette Vignihoué, passionnée de la cuisine abonde dans le même sens. « Le bicarbonate et la potasse tuent tous les nutriments. Je conseille de préparer les légumes sans ces additifs, pour préserver leur fraîcheur et leurs vertus. »
Les témoignages des consommateurs confirment que bien préparés, les légumes sont à la fois savoureux et bénéfiques. « J’ai trouvé le plat très savoureux, les légumes étaient bien assaisonnés et gardaient leur croquant », témoigne Henoc Tossou après avoir dégusté un plat cuisiné selon les recommandations des experts.
« La cuisson était parfaite, ni trop molle ni trop dure. On sent que les vitamines sont préservées et les légumes gardent leur fraîcheur. » , a-t-il ajouté. Cette appréciation démontre qu’un changement de pratiques culinaires ne signifie pas renoncer au plaisir gustatif, bien au contraire.
Le défi collectif de sensibilisation et de formation
Si les solutions existent, encore faut-il qu’elles soient connues et adoptées. La sensibilisation reste un défi de taille. « Il manque une véritable campagne d’information sur l’importance des légumes », regrette Serge Patrick Zinvoedo.
A l’instar des projets Cascade, Care Bénin – Togo et SAFEVEG qui disposent déjà de initiatives citoyennes visant à augmenter cette consommation, notamment en zones urbaines et périurbaines, en encourageant les pratiques agricoles durables et en renforçant les capacités des producteurs , le diététicien soutient que « les nutritionnistes et diététiciens devraient organiser des journées de sensibilisation régulières, pour expliquer à la population les bienfaits de chaque légume avec des preuves scientifiques. ».
« D’abord, il manque une véritable sensibilisation, car il faut montrer à la population l’importance de la consommation de légumes et leurs avantages.
Deuxièmement, il y a la pauvreté. Elle fait que certains individus pensent que les légumes sont chers. Ils ont peur d’en acheter et préfèrent se contenter de ce qu’ils trouvent, sans chercher plus loin.
Troisièmement, il y a la sous-information. Les nutritionnistes, les diététiciens, même les naturopathes…À lire aussi : Bénin: des rangs interminables pour la correction des actes administratifs délivrés par l’ANIPtoute personne qui intervient dans le secteur alimentaire devrait organiser des journées de sensibilisation, au moins deux fois par an ou même deux fois par mois, afin de permettre à nos citoyens d’être informés de la valeur nutritive de chaque légume et de ses effets sur la santé, avec des preuves.
Par exemple, dit-il, si un patient présente une carence en vitamine B, il faut lui montrer dans quel aliment il peut la trouver et l’encourager à le consommer régulièrement. Après six ou sept mois, il peut refaire son bilan de santé et constater lui-même les résultats positifs.
« C’est pourquoi il est important d’introduire ces aliments dans notre régime alimentaire, c’est une véritable obligation. Aujourd’hui, les infections sont nombreuses et elles provoquent des inflammations. Quand cela arrive, nous courons directement à la pharmacie pour acheter des médicaments, mais la cause profonde demeure. Le problème, c’est qu’il n’existe pas encore de véritables campagnes régulières de sensibilisation», a-t-il proposé.
Vers une nouvelle culture alimentaire
Les légumes sont bien plus qu’un accompagnement culinaire. Ils sont un rempart contre les maladies et un moteur de bien-être. Mais pour que chaque ménage béninois en bénéficie, il faut un changement de mentalité et de pratiques.
Les experts appellent à dépasser les freins liés à la pauvreté et à la sous-information. « Les légumes sont à notre portée. Nous avons le crin-crin, le Gombo, la menthe poivrée, ou encore le kpoyiba », rappelle Serge Patrick Zinvoedo, diététicien, nutritionniste. Selon lui, les variétés locales des légumes, accessibles et économiques, pourraient facilement intégrer les repas quotidiens si elles étaient mieux valorisées.
« Si nous pouvons commencer par prendre au moins 4 à 5 fois de légumes dans la semaine, on serait excepté de certaines maladies chroniques, telles que la mauvaise alimentation, le diabète, les maladies cardiaques, les maladies neurologiques et l’insuffisance rénale »
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Il appartient désormais à chacun de transformer ces bonnes pratiques en réflexes quotidiens. Car au-delà d’un simple accompagnement culinaire, les légumes s’imposent comme des remparts naturels contre les maladies chroniques et des atouts majeurs pour le bien-être. Plus que jamais, ils se positionnent au cœur de la santé des populations béninoises.
Cuire sans détruire, c’est préserver nos légumes, protéger notre santé et garantir l’avenir de nos familles. Adoptons dès aujourd’hui les bonnes pratiques pour que les légumes soient vraiment au cœur du bien-être des Béninois.

