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Togo: la France veut-elle renverser Faure Gnassingbé ?

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Il faut que nous tirions tous notre chapeau au maître incontesté du Togo, Faure Gnassingbé. Il n’y a pas à dire, il est très fort. En effet, non seulement il vient de supprimer l’élection présidentielle dans son pays pour rester au pouvoir jusqu’à sa mort, mais en plus, il fait réprimer les manifestations et enfermer en prison ou dans des hôpitaux psychiatriques tous ceux qui lui font de l’ombre. Mais le plus incroyable, c’est qu’il veut convaincre l’opinion africaine que c’est la France qui veut sa peau, alors que c’est simplement son propre peuple qui réclame son départ. Il faut être culotté quand même, surtout quand on sait que la famille Gnassingbé et Eyadéma est soutenue par l’Élysée à la tête du Togo depuis 1967, et que Macron continue actuellement d’apporter son soutien à la dictature togolaise, même si les relations connaissent des hauts et des bas. Chronique de la France-Afrique pour remettre l’église au centre du village.

Le 6 juin dernier, Faure Gnassingbé a passé un sale anniversaire. Pour ses 59 ans, une partie des Togolais sont descendus dans la rue pour réclamer le départ de celui qui gouverne leur pays dans le sang et la peur depuis 2005.

“Nous sommes actuellement en direction de la présidence du Togo, où il y a justement des manifestations pour revenir sur la réforme. Cette détention à Lomé devait être une manifestation pacifique de jeunes militants, mais elle a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre près du carrefour GTA. Des gaz lacrymogènes, des arrestations : l’air est devenu irrespirable à proximité du bâtiment de la présidence. Les manifestants venus réclamer des réformes politiques, la libération du rappeur Amron et le départ du régime ont vite été encerclés par des forces de sécurité en tenue anti-émeute. Des barrages, des routes bloquées et une atmosphère de plus en plus électrique.”

Ce soulèvement de la société civile et de la jeunesse est inédit dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest. Les manifestants, qui ne sont pas encadrés par un parti politique d’opposition, protestent aussi bien contre la hausse des prix de l’électricité que contre le tour de passe-passe constitutionnel de Faure Gnassingbé, qui, rappelons-le, a supprimé l’élection présidentielle prévue en 2025. Grâce à une nouvelle constitution, il se fait désormais élire par une assemblée nationale quasi entièrement acquise à sa cause. En gros, il a supprimé les urnes. Il n’a même plus besoin de les bourrer, malin.

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Le problème, c’est que pour rester au pouvoir, Faure n’hésite pas à recourir aux vieilles recettes qui ont fait la pérennité et le succès de la dictature togolaise, tortionnaire de père en fils depuis 1967. L’un des fers de lance de l’actuelle contestation, le rappeur Amron, issu de la même communauté que Faure Gnassingbé, en a fait les frais. C’est le crâne et la barbe rasés que Amron est réapparu pour présenter ses excuses au président du conseil des ministres du Togo.

J’aimerais pouvoir saisir cette occasion pour demander pardon et présenter mes sincères excuses à Monsieur Faure, Son Excellence Faure Gnassingbé, président du conseil des ministres, par rapport à mon comportement désobligeant, discourtois et outrageux.

L’artiste dit avoir eu des troubles psychiatriques mais allait mieux après un traitement. Sa mère, présente lors de son arrestation par les forces de l’ordre, n’y croit pas.

C’est une pression qu’on a mise sur mon fils pour qu’il puisse parler. À le voir, c’est comme s’il était en train de lire le message qu’on lui a écrit.

Elle dénonce une détention arbitraire des autorités et une atteinte physique. De nouvelles manifestations sont prévues à partir du 26 juin, et le pouvoir togolais commence à avoir les jetons. Alors, il réprime à tout va. Le 6 juin déjà, 81 manifestants ont été arbitrairement arrêtés, et certains ont même été torturés selon la Fédération internationale des droits de l’homme. Et ça bouge même dans les coulisses du pouvoir, même parmi les fidèles des fidèles du chef de l’État. Une ancienne ministre de la Défense, Marguerite Nakadé, a appelé l’armée togolaise à renverser le régime, ce qui a ulcéré Faure, puisque Marguerite Nakadé fut jadis l’épouse de son frère Ernest et a même eu deux enfants avec Faure lui-même.

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Mais plus important encore, une bataille de l’information est-elle aussi engagée ? La dernière idée de Faure Gnassingbé pour décrédibiliser la révolte naissante, c’est de faire croire qu’elle est manipulée par la France. Oui, vous avez bien entendu, le meilleur employé de la France-Afrique depuis les années 60 serait en passe de se faire virer par son employeur. En gros, Macron se serait fâché contre Faure Gnassingbé, coupable de s’être rapproché ces dernières années des jeunes antifrançais et prorusses du Sahel. Finalement, si on écoute ce récit un peu trop gros pour être vrai, le nouveau Che Guevara résistant à l’impérialisme et à la France-Afrique, ce serait Faure Gnassingbé.

Depuis un moment donné, quand nous parlions, nous avons dit que nous avions le dossier sur le Togo et que la France sait très bien ce qu’elle est en train de fabriquer du côté du Togo. Alors, ce message directement, il faut le partager au maximum pour que ça puisse atteindre le peuple togolais. Ça doit atteindre le peuple togolais parce que les manifestations vont se multiplier dans les jours à venir. Ils vont utiliser la question de la crise entre Israël et la Palestine. Ils vont l’importer à l’intérieur de ce qui se passe au niveau du Togo.

Effectivement, ils sont en train de mobiliser un nombre impressionnant d’avocats togolais et d’autres personnes qui vont se revendiquer d’être des avocats ou qui vont relever du barreau togolais. Mais en réalité, c’est à chier, et ils vont utiliser effectivement un vaste réseau de communication qu’ils vont implanter. Oui, ils vont sûrement tuer des gens au niveau du Togo. Et quand ils vont finir, ne soyez même pas étonnés, le dossier du Togo va rejoindre l’ONU, ils vont demander même que l’ONU leur donne une autorisation pour intervenir au niveau du Togo.

Alors franchement, les gars, je vous aime bien, mais il faut doser sur la Castelle et le tramadol avant de raconter n’importe quoi. Vous savez, si vous suivez mes vidéos et mon travail, que je ne m’abstiendrai jamais de critiquer les coups tordus de la France en Afrique, qui sont aussi nombreux que les étoiles dans le ciel. Mais il y a la réalité, et on ne peut pas la tordre dans tous les sens. La vérité, c’est qu’Emmanuel Macron n’a jamais critiqué le coup d’État constitutionnel de Faure au Togo, ni la répression en cours. Macron a même eu besoin des services de Faure récemment, parce que le président togolais a joué les médiateurs pour le compte de l’Élysée lorsque quatre agents de la DGSE ont été arrêtés au Burkina Faso fin 2023. Faure Gnassingbé avait alors intercédé auprès d’Ibrahim Traoré pour essayer de les faire libérer.

Alors oui, Faure s’est rapproché de l’AES, qui utilise le port de Lomé comme porte d’entrée. Il y a des mercenaires turcs qui combattent les djihadistes au nord du Togo. Mais après une petite brouille au début de l’année 2024, Faure et Macron se sont rabibochés et ont fait des mamours à plusieurs reprises, comme en commémoration du débarquement en Provence en août 2024, au sommet de la francophonie en octobre. Parce qu’on se le dise, la France continue d’apporter son soutien au dictateur togolais.

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D’ailleurs, Macron a accepté d’accréditer le nouvel ambassadeur du Togo à Paris, le colonel Agadazi, qui a pourtant du sang sur les mains, ayant participé depuis 30 ans à l’immonde machine de mort du régime togolais. L’ambassadeur de France à Lomé, Augustin Favereau, est de son côté un fervent défenseur du régime togolais. Il a même refusé d’accorder pendant plusieurs mois la protection consulaire à la famille franco-togolaise d’un opposant décédé, Bertin Aglaglo, dont plusieurs membres ont été embastillés sur des accusations complètement délirantes de terrorisme islamique, alors que ce sont des chrétiens. Augustin Favereau préfère visiblement les intérêts du régime togolais à ceux de ses compatriotes, puisqu’il a tout fait pour dissimuler mon arrestation par les sbires de Faure à Lomé lorsque je m’y suis rendu en reportage en avril 2024.

Des entreprises hexagonales continuent de gagner des marchés au Togo, comme la PME Mater, qui doit construire 21 ponts au Togo pour un coût total de 100 millions d’euros, largement payé d’ailleurs par le contribuable français. Le trafiquant d’armes français Robert Montoya a repris du service à Lomé et livre actuellement du matériel militaire acheté en Europe de l’Est et en Turquie. Et une demi-douzaine de coopérants militaires français continuent à appuyer la gendarmerie et l’armée togolaise.

Tout ça pour vous dire que la France ne cherche pas à renverser Faure. Bien au contraire. En même temps, les choses ont changé depuis quelques années. Notre pays n’est plus le maître du jeu en Afrique. En aurait-il eu l’envie qu’il ne pourrait plus orchestrer des coups d’État. Sinon, je peux vous dire que ça fait longtemps que les Ibrahim Traoré, les Assimi Goïta ou les Faustin-Archange Touadéra auraient fini six pieds sous terre. Notre diplomatie, nos services de renseignement, notre armée sont aux fraises. Elles sont contraintes d’assister impuissantes à la déchéance de l’ancienne puissance coloniale, qui est devenue une sorte de repoussoir, un croque-mitaine qu’on agite pour effrayer les peuples, et Faure l’a bien compris.

Quoi de mieux pour discréditer l’affront de la jeunesse togolaise que de faire croire qu’elle est manipulée dans l’ombre par la France ? Quoi de mieux pour dissuader le peuple de sortir dans la rue que de lui dire : “Vous êtes des pantins de Macron et de la DGSE ?” Alors, le régime togolais se crée une stature panafricaine de carton-pâte pour essayer de sauver sa tête. Il orchestre en sous-main une offensive informationnelle à grands coups de trolls et de fake news sur Facebook ou TikTok, menée avec l’appui de certains régimes de l’AES comme le Burkina. Le but est notamment de faire croire que les chefs de file de la contestation, comme le très courageux journaliste Ferdinand Ayité, sont des agents de la DGSE française.

Hein, je vous le disais, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Je sais qu’après cette vidéo, on me traitera d’espion de Paris comme on l’a fait lors de mon expulsion du Togo en avril 2024. Bon, trois mois après mon renvoi, les mêmes fermetrols qui m’avaient traité de barbouze disaient que j’étais tout à coup un grand journaliste, juste parce que j’avais révélé la présence militaire française en Guinée. Faut savoir, les gars.

Le 16 juin, le régime de Lomé a encore franchi un pas en interdisant pour trois mois la diffusion de RFI et de France 24, comme si finalement ces organes de presse français étaient responsables de la déstabilisation au Togo. Cette interdiction va évidemment alimenter la petite musique de cette France qui chercherait à mettre Faure à la porte. C’est assez savoureux quand on y pense, lorsqu’on sait qu’au contraire, ces médias publics hexagonaux ont toujours atténué la violence du régime togolais, ont toujours cherché à le protéger. C’est notamment vrai à France 24, où l’un des encadrants est un intime du ministre togolais Gilbert Bawara et ne cesse d’édulcorer toute critique de la dictature sur les antennes de France 24. D’ailleurs, la chaîne avait volontairement passé sous silence mon arrestation et mon expulsion brutale du Togo.

Qu’on se le dise, au Togo, la France est comme toujours du mauvais côté de l’histoire, parce que Macron continue de copiner avec des dictateurs sanguinaires qui pourtant lui font des infidélités et qui sans doute finiront par lui tourner le dos. Ça a été le cas dernièrement, et je pense que le Togo suivra peut-être en rejoignant l’AES. Et les grands sacrifiés dans l’histoire seront encore et toujours les peuples, et notamment celui du Togo, qui depuis les années 90 a sacrifié des milliers de ses fils dans une interminable marche vers la liberté.

Je me souviens encore de mon père, qui fut médecin humanitaire dans le nord du pays et qui me racontait la folie criminelle du colonel Eyadéma, grand frère de Faure, qui était une brute sanguinaire qui n’avait plus toute sa tête et qui, d’ailleurs, avait fini par menacer mon père avec une arme. Tous ces assassinats, les vies innocentes rejetées au matin dans la lagune de Lomé, la répression abominable des soulèvements de 1993, de 2005 et de 2017 furent accomplis avec le soutien de la France, qui, je le dis, a le sang du peuple togolais sur les mains, et ne l’oublions jamais.

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