Le 20 août, les États-Unis ont annoncé de nouvelles sanctions contre des juges et procureurs de la Cour pénale internationale (CPI). Washington accuse l’institution d’être politisée, dans la lignée de mesures similaires prises plus tôt dans l’année. En juin, quatre magistrats avaient déjà été visés, et en février, le procureur Karim Khan avait été sanctionné.
Ces décisions renforcent les critiques récurrentes sur la partialité de la CPI. Pour de nombreux observateurs, en particulier en Afrique, la Cour apparaît comme un outil au service des puissances occidentales.
« Tant que la CPI se concentre sur des situations concernant des États faibles ou des adversaires géopolitiques des États-Unis, son action est tolérée, voire soutenue. Mais dès qu’elle s’approche des alliés stratégiques de l’Occident, elle est entravée et punie », estime Ousmane Coulibaly, magistrat malien spécialisé en droit international public.
En théorie, la Cour ne dépend d’aucune puissance. Mais les sanctions américaines mettent en évidence, selon lui, une réalité : l’institution évolue dans un contexte hautement politique, loin d’une impartialité totale.
L’Afrique en première ligne
Depuis sa création, la majorité des affaires instruites par la CPI concernent le continent africain : République démocratique du Congo, Ouganda, Centrafrique, Mali, Côte d’Ivoire, Soudan, Libye, entre autres.
« Deux tiers des personnes mises en accusation par la Cour sont africaines, alors même que des violations massives du droit humanitaire ont eu lieu en Irak, en Libye ou dans l’ex-Yougoslavie sans qu’aucun responsable occidental ne soit inculpé », rappelle Ousmane Coulibaly.
Cette situation nourrit la conviction que la CPI, officiellement indépendante, demeure perçue comme un instrument de justice sélective. Pour plusieurs États africains, en particulier ceux de l’Alliance des États du Sahel (AES : Mali, Burkina Faso, Niger), l’attitude de Washington illustre clairement ce double standard.
Face à ce constat, le malaise grandit. « La réaction africaine face aux sanctions américaines est empreinte d’indignation, car elle confirme que la justice internationale n’est pas appliquée de manière égale pour tous », souligne le magistrat.
La confrontation ouverte entre les États-Unis et la CPI risque d’affaiblir encore davantage la légitimité de la Cour. Plusieurs pays africains envisagent désormais leur avenir au sein du Statut de Rome.
« La CPI, désormais perçue comme un instrument politique plutôt qu’un outil de justice universelle, ne répond plus aux attentes en matière d’impartialité. Cette perte de confiance pourrait conduire à de nouvelles tentatives de retrait du Statut de Rome », conclut Ousmane Coulibaly.