Lors d’une conférence de haut niveau sur la sécurité régionale organisée le 3 juin à Abuja, le général Christopher Musa, chef d’état-major des armées nigérianes, a proposé une mesure pour le moins radicale: la fermeture complète des frontières terrestres du Nigeria avec ses voisins, dont le Bénin, dans le but de contenir l’expansion des groupes jihadistes actifs dans la sous-région.
S’exprimant devant un parterre de hauts responsables militaires, d’experts en stratégie et de représentants des États de la CEDEAO, le général Musa a justifié sa proposition par « l’urgence d’endiguer la circulation transfrontalière incontrôlée d’éléments terroristes, d’armes et de ressources logistiques ». Selon lui, « le relâchement des contrôles frontaliers constitue aujourd’hui l’un des maillons faibles de la sécurité collective en Afrique de l’Ouest ».
Le Nigeria, confronté depuis plus d’une décennie à l’insurrection de Boko Haram et à la prolifération de groupes affiliés à l’État islamique dans le bassin du lac Tchad, peine à contenir la menace malgré des efforts militaires intensifiés et le soutien de partenaires régionaux. Si la porosité des frontières reste un problème bien identifié, la solution avancée soulève déjà de vives interrogations, tant sur sa faisabilité que sur ses conséquences économiques et diplomatiques.
Du côté des pays frontaliers, la réaction reste prudente. À Cotonou, aucune déclaration officielle n’a encore été faite, mais des sources proches du ministère béninois des Affaires étrangères évoquent une préoccupation certaine quant aux implications d’une telle décision, notamment sur les échanges commerciaux transfrontaliers et la libre circulation des personnes: principes pourtant consacrés par les textes de la CEDEAO.
Les observateurs soulignent également le risque d’isolement qu’un tel verrouillage pourrait entraîner pour le Nigeria, principal poids lourd économique de la région. « On ne combat pas une menace transnationale en érigeant des murs », analyse un expert en géopolitique régionale. « La réponse doit être coordonnée, intégrée, et tenir compte des réalités socioéconomiques locales. »
Si la proposition du général Musa ne constitue pour l’heure qu’une hypothèse de travail, elle témoigne d’un durcissement palpable du discours sécuritaire au Nigeria. Elle met aussi en lumière la tension croissante entre les impératifs de sécurité et les exigences d’intégration régionale, dans une Afrique de l’Ouest toujours confrontée à des menaces mouvantes et multiformes.
Dans les semaines à venir, le débat devrait s’intensifier au sein des instances régionales, alors que les États membres cherchent à redéfinir ensemble les contours d’une stratégie de sécurité plus efficace, sans compromettre les acquis en matière de coopération transfrontalière.