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RDC: Joseph Kabila, ange ou démon ?

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Président de la République démocratique du Congo de 2001 à 2019, Joseph Kabila a marqué pendant 18 ans la vie politique de ce pays au cœur de l’Afrique. Son passage au pouvoir suscite des jugements contrastés : d’un côté, il est crédité d’avoir pacifié et reunifié un État ravagé par la guerre, en assurant une relative stabilité institutionnelle et en engageant un processus électoral inédit. De l’autre, son régime est accusé d’autoritarisme, de corruption systémique et de n’avoir pas su mettre un terme aux conflits armés persistants à l’est.

Lorsque Joseph Kabila accède à la présidence en janvier 2001, la RDC est déchirée par la seconde guerre du Congo (1998-2003) et plongée dans le chaos. Âgé de 29 ans, propulsé au pouvoir après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila, il apparaît alors comme une figure consensuelle pour sauver le pays. « Le pays traversait une période de guerre et de chaos. Il était donc la solution acceptée tant par la communauté nationale qu’internationale », rappelle un député de sa majorité sur ce contexte d’arrivée au pouvoir. Cette acceptation lui permet de lancer rapidement des initiatives de paix. En 2002-2003, Joseph Kabila engage un dialogue inter-congolais avec les principaux chefs de rébellions, aboutissant aux accords de Sun City et à un gouvernement de transition incluant d’anciens belligérants. Ce processus conduit à la réunification et la pacification partielle du pays autrefois morcelé par les factions armées. Les troupes étrangères (notamment du Rwanda et de l’Ouganda) se retirent, mettant formellement fin au conflit continental, et l’autorité de l’État central est rétablie sur une bonne partie du territoire.

Sur le plan institutionnel, Joseph Kabila supervise l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2006 qui jette les bases de la Troisième République. Il organise la première élection présidentielle pluraliste en RDC depuis 1965 en juillet-octobre 2006 – un événement historique salué à l’époque comme le retour de la démocratie. Kabila remporte ce scrutin au second tour face à Jean-Pierre Bemba, au terme d’un vote disputé mais validé, ce qui lui confère une légitimité populaire inédite. Cet ancrage démocratique se poursuit avec les élections législatives concomitantes et la mise en place d’institutions élues (Parlement, gouvernements provinciaux, etc.), contribuant à la stabilité institutionnelle d’un pays qui, quelques années plus tôt, risquait l’implosion. « Le pays est unifié, la situation socioéconomique [est] stable et des élections démocratiques s’y organisent grâce à Joseph Kabila », affirmait en 2016 son porte-parole Lambert Mende en dressant un bilan officiel de 15 ans de pouvoir.

Si ce constat apparaît alors très optimiste, il est vrai que sous Kabila, l’État congolais ne s’est pas effondré et a pu fonctionner, évitant un retour au vide institutionnel des années de guerre.

Parallèlement, Kabila prône la souveraineté nationale retrouvée. Il veille à prendre ses distances avec les ingérences extérieures, et diversifie les partenariats internationaux de la RDC. Par exemple, en 2007 son gouvernement conclut un méga-contrat avec la Chine d’une valeur annoncée de 6 milliards de dollars, prévoyant la construction de routes et d’hôpitaux en échange de concessions minières. Ce contrat « minerais contre infrastructures » symbolise la volonté de Kabila de financer le développement sans dépendre entièrement de l’aide occidentale, quitte à susciter l’inquiétude des pays occidentaux sur l’influence grandissante de Pékin. De même, à l’approche des élections de 2018, Kabila insiste pour que la RDC finance elle-même le scrutin plutôt que de compter sur les bailleurs internationaux.

« Nous avons tenu à affranchir notre processus électoral de financement extérieur […] afin de conférer la meilleure légitimité à ceux qui sortiront vainqueur… Les élections seront entièrement financées par l’État congolais. Loin de relever de la suffisance ou de l’arrogance, il s’agit d’une option politique qui donne un sens à notre indépendance et notre dignité nationale », déclare-t-il ainsi devant le Parlement congolais en juillet 2018.

Cette posture nationaliste – revendiquer “l’indépendance et la dignité” du Congo – a renforcé auprès de ses partisans l’image d’un président soucieux de la souveraineté de son pays. Sous son règne, la RDC a également normalisé ses relations diplomatiques avec nombre de voisins autrefois hostiles, évitant de nouvelles guerres régionales.

Avancées démocratiques et limites du processus électoral

Si Joseph Kabila a instauré un processus électoral en RDC, celui-ci a connu des hauts et des bas. Après la réussite relative des élections de 2006, un second cycle électoral a lieu en 2011. Kabila brigue alors un nouveau mandat dans un contexte plus tendu. Il est déclaré vainqueur de la présidentielle de novembre 2011, mais le scrutin est entaché d’irrégularités importantes selon les observateurs internationaux (la Fondation Carter et l’Union européenne évoquent des fraudes massives). L’opposition, menée par Étienne Tshisekedi, conteste violemment les résultats. Néanmoins, Kabila prête serment pour un deuxième et – en principe – dernier mandat, conformément à la Constitution limitant à deux le nombre de mandats. Malgré les critiques sur la transparence du vote, il parvient donc à rester au pouvoir, et la stabilité institutionnelle est préservée tant bien que mal.

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La véritable épreuve pour la jeune démocratie congolaise arrive en 2016, à l’échéance du mandat de Kabila. Le président sortant retarde l’organisation de la présidentielle censée avoir lieu cette année-là, invoquant des problèmes logistiques et juridiques. Ce report – surnommé « glissement » – est perçu par beaucoup comme une tactique pour s’accrocher au pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle, provoquant une grave crise politique. Des protestations populaires éclatent à partir de 2016 pour exiger le départ de Kabila dont le mandat est expiré. La réponse du régime sera musclée et le 19 septembre 2016, lors de marches pacifiques réclamant la tenue d’élections, la répression fait près de 50 morts à Kinshasa selon la société civile. En décembre 2016, à la fin officielle du mandat, les forces de sécurité continuent de réprimer brutalement les manifestations à travers le pays, ignorant les appels de l’ONU et des puissances occidentales à la retenue. À Lubumbashi, une marche pacifique est étouffée dans le sang, faisant au moins 10 morts et 31 blessés. Ce recours à la force pour étouffer la contestation ternit l’image de Kabila et accentue les accusations d’autoritarisme à son encontre.

Pour sortir de l’impasse, pouvoir et opposition signent in extremis l’Accord de la Saint-Sylvestre (31 décembre 2016) sous l’égide de l’Église catholique, prévoyant des élections avant fin 2017 et la promesse que Kabila ne briguera pas un nouveau mandat. Ce compromis apaise temporairement les tensions, bien que l’échéance électorale soit de nouveau repoussée jusqu’en décembre 2018. Finalement, Kabila tient parole en ne se présentant pas lui-même à la présidentielle de 2018 – une première dans l’histoire du pays qu’un président sortant accepte de se retirer. Il désigne toutefois un dauphin de son camp, Emmanuel Shadary, pour le représenter.

Mais contre toute attente, le scrutin du 30 décembre 2018 accouche d’une surprise politique. L’opposant Félix Tshisekedi est proclamé vainqueur, alors même que les projections donnaient un autre opposant (Martin Fayulu) en tête selon des sources indépendantes. Des soupçons de « deal » entre Kabila et Tshisekedi émergent et nombre d’analystes estiment que le régime sortant a négocié la victoire de Tshisekedi pour éviter celle de Fayulu, jugé moins conciliant avec les intérêts de Kabila.

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En tout état de cause, cette élection aboutit en janvier 2019 à la première transition pacifique du pouvoir qu’ait connue la RDC depuis son indépendance en 1960 – un fait majeur à porter au crédit de Kabila. Toutefois, le caractère controversé de la victoire de Tshisekedi laisse planer un doute sur la véritable volonté démocratique de Kabila. S’il a permis l’alternance, ce fut possiblement au prix d’une manipulation en coulisses du choix des électeurs, ce que l’opposition a qualifié de « vol électoral ». Ainsi, le bilan démocratique de Joseph Kabila reste mitigé car il a instauré les élections régulières et accepté en apparence l’alternance, mais en ayant recours à des reports et des arrangements qui ont miné la confiance dans le processus électoral.

Ombres au tableau : corruption et conflits persistants

Malgré des avancées certains, le régime Kabila a été entaché par de graves dérives selon ses détracteurs. L’accusation de corruption figure en premier plan. Au fil des années, des enquêtes journalistiques et judiciaires ont levé le voile sur l’ampleur du pillage des ressources de l’État par le clan Kabila. L’enquête internationale baptisée « Congo Hold-up » (2021) a révélé des détournements massifs de fonds publics entre 2013 et 2018. Joseph Kabila et sa famille sont accusés d’avoir siphonné au moins 138 millions de dollars des caisses de l’État congolais durant cette période. Ces fonds auraient notamment transité via la banque BGFI, dont des proches de Kabila étaient dirigeants, et des sociétés-écrans montées pour l’occasion. Ce scandale a provoqué l’ouverture d’une enquête judiciaire en RDC même, après le départ de Kabila, tant les preuves par les documents bancaires semblaient accablantes.

Au-delà de ce cas emblématique, la gouvernance sous Kabila a souvent été qualifiée de kleptocratique. Plusieurs de ses collaborateurs ou membres de sa famille ont fait fortune dans les mines, le pétrole, les télécoms ou les marchés publics, tandis que la population restait majoritairement pauvre. Les critiques dénoncent un pouvoir affairiste ayant bradé certaines richesses nationales ou opéré des détournements à grande échelle, affaiblissant les capacités de l’État à investir dans le bien-être de la population. En 2018, après 17 ans de règne, 72 % des Congolais vivaient encore sous le seuil d’extrême pauvreté et 43 % des enfants souffraient de malnutrition, signe que la manne minière n’avait pas profité au développement social. La mauvaise gouvernance, le manque d’infrastructures, un environnement des affaires décourageant et une corruption endémique ont compromis une croissance économique pourtant portée par un boom des cours des matières premières. Autrement dit, l’ère Kabila a été une occasion manquée de transformer la richesse minière du Congo en progrès pour la population, d’après de nombreux observateurs.

Sur le plan politique intérieur, l’autoritarisme du régime Kabila a souvent été pointé du doigt. Outre la répression des manifestations évoquée plus haut, les années Kabila ont vu des restrictions de l’espace démocratique : intimidation ou cooptation de membres de l’opposition, musellement de médias critiques, et un usage fréquent des forces de l’ordre pour mater toute contestation. Les mouvements citoyens (Lucha, Filimbi, etc.) et l’Église catholique qui ont osé réclamer l’alternance ou protester contre la corruption ont été régulièrement la cible d’arrestations arbitraires et de violences. En 2016, l’ONG Human Rights Watch rapportait que le pouvoir avait même recruté d’anciens rebelles du M23 pour écraser les manifestations pro-démocratie, ce qui démontre le cynisme du régime, prêt à tout pour se maintenir. La capitale Kinshasa et les grandes villes ont ainsi connu des épisodes de fermeture politique qui rappellent les heures sombres du mobutisme, même si Kabila, plus discret que Mobutu, a évité le culte de la personnalité outrancier de son prédécesseur.

Par ailleurs, les conflits armés dans l’Est du Congo ont perduré sous Joseph Kabila, entamant sérieusement son bilan sécuritaire. Certes, il a hérité d’un pays en guerre et a réussi à mettre fin au conflit généralisé en 2003. Cependant, les provinces orientales (Kivu, Ituri) sont restées en proie à une insécurité chronique, avec la prolifération de milices locales et de rébellions à caractère régional. En 2009, Kabila a intégré d’anciens rebelles tutsi du CNDP au sein de l’armée via un accord avec le Rwanda, mais une partie de ces éléments s’est mutinée en 2012 pour former le mouvement M23, relançant la guerre au Nord-Kivu. La rébellion du M23 a même réussi à s’emparer de la ville de Goma en novembre 2012, humiliante défaite pour l’armée congolaise, avant d’être repoussée l’année suivante avec l’aide de la brigade spéciale de l’ONU.

Malgré la défaite initiale du M23 en 2013, de nombreux groupes armés ont continué d’ensanglanter l’est (ADF, Mai-Mai, FDLR, etc.), et témoignent de l’échec de l’État à rétablir une paix durable sur l’ensemble du territoire. Certaines zones du pays sont restées quasiment ingouvernables, échappant au contrôle de Kinshasa malgré 18 ans de pouvoir de Kabila. Pire, des accusations ont émergé liant le régime Kabila à certains conflits. Les autorités congolaises actuelles ont notamment accusé Joseph Kabila d’avoir soutenu la rébellion du M23 en sous-main. En mai 2025, le Sénat (où Kabila siégeait en tant que sénateur à vie) a levé son immunité pour permettre à la justice d’instruire des poursuites pour « trahison et crimes de guerre », affirmant détenir « un ensemble substantiel de documents, témoignages et faits matériels » impliquant Kabila dans les exactions du M23 à l’Est du Congo.

Le principal intéressé dément vigoureusement tout lien avec ces rebelles – qu’il avait lui-même combattus lorsqu’il était au pouvoir – et dénonce une cabale politique.

Un héritage politique controversé

L’héritage laissé par Joseph Kabila en RDC est profondément controversé et continue d’influencer la vie politique actuelle. Sur le plan symbolique, son retrait du pouvoir en 2019 – sans coup d’État ni exil forcé – a établi un précédent important, celui d’une alternance pacifique à la tête de l’État. Pour la première fois, un président congolais quittait son poste à l’issue d’élections (certes discutables) et d’un transfert de pouvoir relativement ordonné. Cela a pu inspirer un certain espoir quant à l’enracinement de pratiques démocratiques en RDC et dans la région. Kabila a souvent souligné ce fait, considérant que l’« héritage de l’alternance » qu’il a permis en 2019 ne devait pas être dilapidé par ses successeurs. Ses partisans le présentent ainsi comme l’artisan d’une stabilité et d’une continuité républicaine, contrastant avec l’histoire chaotique du pays.

Cependant, la réalité de son influence post-présidentielle nuance fortement cette vision. Dans l’ombre, Joseph Kabila a conservé d’importants leviers de pouvoir après son départ. En 2019, sa coalition politique, le Front Commun pour le Congo (FCC), obtient la majorité absolue aux élections législatives et contrôle le Parlement ainsi que de nombreuses provinces. Le nouvel élu Félix Tshisekedi est donc contraint de cohabiter avec un Premier ministre et un appareil d’État largement acquis à Kabila. Beaucoup y voyaient la preuve que l’ex-président entendait régner indirectement en « président bis ».

Ce n’est qu’en 2020-2021 que Tshisekedi parvient à renverser cette domination en dissolvant la coalition FCC et en formant une nouvelle majorité (dite de l’« Union sacrée ») avec des transfuges du camp kabiliste. La rupture est officiellement consommée en décembre 2020 et marque la fin de l’alliance entre Kabila et son successeur. Évincé du partage du pouvoir, Joseph Kabila perd progressivement son influence institutionnelle, même s’il conserve un réseau de fidèles et le leadership de son parti (PPRD). En 2021, plusieurs barons de son régime sont poursuivis pour corruption ou détournements.

Sur le plan judiciaire, la situation a culminé en 2023-2024 avec les procédures engagées contre Kabila lui-même. L’ex-président, protégé jusque-là par son statut de sénateur à vie, a vu son immunité levée par le Sénat en mai 2025 à une écrasante majorité (près de 90 voix contre 5), sous l’impulsion du camp Tshisekedi. Le spectre d’un procès de Joseph Kabila – potentiellement pour haute trahison – est un fait sans précédent en RDC, et alimente un vif débat. Ses partisans crient à la persécution politique et redoutent une déstabilisation du pays (« tout cela n’est que du théâtre » selon le PPRD), tandis que nombre de Congolais estiment au contraire que rendre des comptes sur les crimes et détournements supposés de l’ancien régime est nécessaire pour tourner la page de l’impunité.

Joseph Kabila lui-même est sorti de son habituelle réserve le 23 mai 2025 pour dénoncer le régime de son successeur, parlant d’une « dérive dictatoriale » à Kinshasa et accusant Félix Tshisekedi d’échouer sur la sécurité et l’économie du pays. Cette intervention publique inhabituelle – un discours de 45 minutes diffusé sur internet – montre que l’ancien président cherche à défendre son bilan et à conserver une stature d’homme d’État aux yeux de ses compatriotes.

Du côté de ses détracteurs, la critique de son bilan reste sévère. Ils soulignent que les maux qui frappent aujourd’hui la RDC – insécurité endémique à l’Est, pauvreté massive, institutions fragiles, corruption enracinée – sont en grande partie le fruit de 18 années de gouvernance Kabila. « L’armée n’est pas réformée, les budgets de l’État ne sont pas exécutés, la production agricole ne redécolle pas, la production minière tend à disparaître… les provinces ne retiennent toujours pas les 40% des recettes (budgétaires) comme prévu », énumérait dès 2010 un député d’opposition pour qualifier le bilan globalement négatif du régime Kabila. Cette citation, plus d’une décennie plus tard, résonne encore face aux défis non résolus de la RDC.

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