Présidentielles 2026 au Bénin: Les Démocrates face à leur éternel destin contrarié ?
Le scénario semble se répéter, implacable, presque écrit d’avance. À mesure que l’échéance présidentielle de 2026 approche, le parti Les Démocrates (LD), principal pôle de l’opposition, s’enlise une fois encore dans une tempête politique et judiciaire dont il peine à sortir.

Ce mercredi, la convocation du président du parti, Boni Yayi, et du duo de candidats Agbodjo-Lodjou par la direction de la police judiciaire a ravivé de vieux souvenirs. Officiellement, les motifs ne sont pas encore connus. Officieusement, tout laisse penser que l’affaire serait liée à la désormais célèbre fiche de parrainage confisquée par le député Michel Sodjinou, dossier aujourd’hui au cœur d’un contentieux devant la Cour constitutionnelle.
La similitude avec 2021 est troublante. À l’époque, la candidate des Démocrates, Reckya Madougou, avait vu sa candidature invalidée avant d’être arrêtée et condamnée à vingt ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État. Quatre ans plus tard, l’histoire semble reprendre les mêmes contours, à la différence que cette fois, c’est le parti lui-même qui pourrait être frappé d’inéligibilité, avant que ses figures de proue ne soient éclaboussées par de nouvelles poursuites.
Comment en est-on encore là ? C’est la question qui hante les observateurs de la vie politique béninoise. Depuis l’avènement du système de parrainage, chaque élection présidentielle devient pour Les Démocrates un parcours d’obstacles où la stratégie politique se heurte à la réalité juridique. En 2021, le parti n’avait pas su manœuvrer à temps pour obtenir les signatures nécessaires. En 2026, il semble être poursuivi par le même spectre mais cette fois ci par fracture interne.
Car tout part d’un acte . Celui d’un député, Michel Sodjinou, qui a décidé de reprendre sa fiche de parrainage, privant ainsi le parti du nombre légal requis. Derrière cette posture, l’intéressé évoque des raisons de principe : la contestation d’un processus interne jugé opaque et clanique. Mais à l’intérieur du parti, beaucoup y voient un coup politique téléguidé, une trahison qui tombe à point nommé pour désorganiser l’opposition, « le parti du peuple ».
La justice s’en mêle désormais. La Cour constitutionnelle, saisie, doit dire si la décision rendue en procédure d’urgence par le tribunal de première instance de Cotonou est conforme à la constitution. Si elle confirmait la décision du tribunal ayant induit la caducité de la fiche de parrainage détenue par le parti, Les Démocrates perdraient automatiquement sa possibilité de participer à la présidentielle.
Et c’est dans cette atmosphère lourde que la police judiciaire a convoqué les principaux responsables. Une séquence qui, au-delà du juridique, renvoie à un enjeu politique bien plus profond : celui de la place de l’opposition dans le système politique béninois post-réformes.
Depuis 2019, les réformes électorales ont en effet profondément remodelé le paysage partisan. Elles ont permis une plus grande discipline politique, mais ont aussi élevé de nombreux verrous techniques qui demandent une maîtrise fine des procédures et des équilibres internes.
De la mouvance présidentielle aux petits partis politiques émergent qui se réclament de l’opposition, tous ont su s’adapter à la réforme. Tous, sauf Les Démocrates. À chaque élection, la même mécanique d’échec se reproduit, comme si le parti refusait d’apprendre de ses revers. Pourtant de petits partis comme la FCBE ou LNC de Irénée Agossa parviennent facilement à remplir les conditions pour faire valider leur dossier de candidature.
En ce moment, Les Démocrates sont toujours pris dans des nœuds gordiens. Faut-il y voir de l’amateurisme ou une malédiction politique ? Certains évoquent un manque de cohésion, un parti prisonnier de son passé et de ses rivalités internes. D’autres, plus critiques, soupçonnent un acharnement du pouvoir de la rupture, un système conçu pour neutraliser toute opposition crédible avant même le scrutin.
Entre ces deux lectures, la vérité se situe sans doute dans la complexité du jeu politique béninois, où la loi, la stratégie et la loyauté se confondent souvent dans une bataille de survie.
Mais au-delà des interprétations, un constat s’impose : Les Démocrates se retrouvent encore une fois au bord du gouffre. À quelques mois du scrutin, le parti donne le spectacle d’une opposition divisée, affaiblie et désormais exposée à une procédure judiciaire dont nul ne peut prédire l’issue. Si la Cour confirme la décision du TPI de Cotonou, la prophétie de Sodjinou, celle d’un parti devant oublier la présidentielle pour se concentrer sur les législatives se réalisera dans toute sa cruauté.
À ce stade, il ne s’agit plus seulement d’un débat de procédure, mais d’une question existentielle pour l’opposition.
Dans cette affaire, chacun trouvera son coupable: les réformes jugées trop restrictives, la gouvernance jugée trop verticale de Boni Yayi, la déloyauté supposée de Sodjinou ou la stratégie implacable du pouvoir en place. Mais au fond, la vraie question demeure : le Bénin a-t-il encore une opposition capable de transformer l’indignation en alternative ?
La réponse se joue peut-être ce jeudi, dans une salle de la Cour constitutionnelle. Si la décision lui est défavorable, Les Démocrates entreront dans l’histoire comme le parti qui aura échoué deux fois à franchir la porte du scrutin présidentiel.
Avec la convocation de la police judiciaire, il est donc vraiment à souhaiter que ces différentes procédures en cours loin de conduire le candidat Renaud Agbodjo au Palais de la Marina, le pousse derrière les barreaux. Toute chose qui ne serait plus utile pour la Nation et pour son image.


Commentaires