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AccueilNews - InfosPolitiquePatrice Talon, 365 jours du terminus

Patrice Talon, 365 jours du terminus

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Conformément à la constitution, le nouveau président du Bénin prêtera serment le 24 mai 2026. Ainsi, à moins d’un an de la présidentielle d’avril 2026, le président béninois Patrice Talon entame la dernière ligne droite de son second et dernier mandat. Fidèle à son engagement, il a réaffirmé qu’il ne sollicitera pas un troisième mandat. Un départ annoncé qui ouvre une période d’incertitude politique, entre bilan contrasté, succession sous tension et héritage à défendre.

Depuis 2016, après son élection à la tête du Bénin, Patrice Talon a imposé une gouvernance axée sur l’assainissement des finances publiques, la modernisation de l’économie et la réalisation de grands projets. Le Bénin a connu une croissance soutenue, avec un PIB en hausse constante : +3 % en 2016, +7,5 % en 2024. Le pays a même résisté à la pandémie de Covid-19 avec une croissance de +3,8 % en 2020.

Ce dynamisme repose sur des investissements massifs, publics et privés, dans les secteurs productifs (agroalimentaire, télécoms, infrastructures). La pression fiscale est passée de 13 % à 15,5 % du PIB, signe d’une mobilisation accrue des recettes. Le déficit public a été réduit à 3 %, tandis que la dette publique reste modérée à 53 % du PIB.

Ces efforts ont valu au Bénin une revalorisation de sa note souveraine par Standard & Poor’s. En parallèle, des progrès notables ont été enregistrés sur le plan social comme le recul de la pauvreté à 36,2 %, l’extension des cantines scolaires gratuites, la couverture santé pour les plus vulnérables. Le FMI a même débloqué 200 millions USD en décembre 2023 pour soutenir la résilience sociale du pays.

Cependant, ces chiffres flatteurs masquent des inégalités persistantes. Le pouvoir d’achat reste fragile, le sous emploi élevé et les disparités entre régions accentuées. L’opposition accuse le régime de favoriser une élite économique, tandis que la majorité de la population peine à sentir les effets de la croissance dans son quotidien.

Réformes institutionnelles ou verrouillage politique ?

L’héritage de Talon inclut également des réformes structurelles de la gouvernance. La révision constitutionnelle de 2019 a introduit la vice-présidence et renforcé la limitation des mandats présidentiels. Patrice Talon se targue d’avoir verrouillé la possibilité d’un troisième mandat, une rareté dans la région.

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Mais cette volonté de rationalisation a aussi eu des effets controversés. La nouvelle Charte des partis a réduit le nombre de formations politiques, provoquant une exclusion de facto de l’opposition aux législatives de 2019. Le Parlement était alors composé uniquement de députés pro-Talon, une première depuis 1990.

La création de la CRIET (Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme) en 2018, censée accélérer la lutte contre la corruption, est perçue comme un outil de répression politique. Plusieurs opposants emblématiques, dont Reckya Madougou et Joël Aïvo, ont été condamnés à de lourdes peines de prison dans des procès critiqués pour leur manque d’impartialité.

Autre point noir du mandat, la dégradation des libertés publiques. De 2019 à 2021, les élections ont été marquées par l’exclusion de candidats, des arrestations politiques et des répressions de manifestations. Le climat de liberté d’expression s’est également détérioré et des journalistes ont été poursuivis, des médias suspendus et le Code du numérique a été utilisé pour réprimer les critiques.

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Le classement du Bénin dans l’indice de liberté de la presse de RSF a chuté (121ᵉ place en 2022), malgré un léger redressement en 2024. Amnesty International, Freedom House ou Human Rights Watch dénoncent régulièrement les atteintes aux droits civils et politiques.

Le président a pourtant promu certaines avancées comme l’abolition de la peine de mort, le quotas féminins en politique, ou encore la criminalisation des violences basées sur le genre. Mais ces mesures restent insuffisantes pour contrebalancer les restrictions constatées sur le pluralisme et les libertés fondamentales.

Pragmatisme diplomatique

Sur la scène internationale, Talon a opté pour une diplomatie discrète mais orientée vers les résultats économiques. La restitution des trésors royaux par la France en 2021, les accords de partenariat avec la Chine, le soutien du FMI, de la Banque mondiale ou du MCC américain témoignent d’un positionnement stratégique.

Au plan régional, le Bénin s’est affirmé dans les instances de la CEDEAO et de l’UEMOA. Face à la montée du terrorisme dans le nord du pays, le président a renforcé la présence militaire et sollicité le soutien du Rwanda pour sécuriser les frontières, signe d’une coopération sud-sud inédite.

Cependant, des affaires internes – comme la condamnation d’ex-collaborateurs de Talon accusés de tentative de coup d’État – ont jeté une ombre sur cette stabilité affichée. Des voix dénoncent une instrumentalisation sécuritaire à des fins politiques.

Le mandat de Patrice Talon aura été aussi marqué par une politique de grands travaux sans précédent. Routes, marchés urbains, hôpitaux, stades, centrales électriques, parcs solaires; le visage du Bénin s’est profondément transformé. Le programme Asphaltage, la GDIZ (zone industrielle de Glo-Djigbé) ou la Route des Pêches illustrent l’ambition de modernisation portée par le PAG.

Mais cette stratégie suscite aussi des interrogations : coûts opaques, appels d’offres peu transparents, retards dans certains chantiers, ou projets jugés non prioritaires par la population. Des décisions comme la suppression de la gratuité de la dialyse ont heurté l’opinion et ravivé le débat sur la hiérarchisation des dépenses publiques.

Une succession sous tension

À un an de l’élection présidentielle d’avril 2026, le climat politique béninois est paradoxalement calme en surface, mais agité en coulisses. Patrice Talon, ayant confirmé haut et fort qu’il quittera le pouvoir conformément à la Constitution, a néanmoins laissé planer le mystère sur son successeur préféré. Aucune consigne claire n’a été donnée au sein de la majorité, pas plus qu’une figure ne s’est imposée d’elle-même, ce qui alimente les interrogations et les rivalités feutrées.

Cette situation inédite – pas de candidat naturel ni du côté du pouvoir ni de l’opposition à ce stade – découle en partie de l’hyper-personnalisation du régime Talon. « Cela illustre la mainmise du président sur le jeu politique », analyse un politologue, pour qui la réforme du système partisan n’a pas empêché le scénario du dauphin désigné de ressurgir. Patrice Talon lui-même n’a jamais caché qu’il entendait peser sur le choix de son successeur, afin que celui-ci poursuive les « acquis de [ses] deux mandats » et ne vienne pas « déconstruire » ce qui a été fait. Autrement dit, il compte bien « tenir la main » de la transition.

Plusieurs noms circulent officieusement pour endosser le costume du candidat de la continuité en 2026. Parmi eux, l’actuelle Vice-présidente Mariam Chabi Talata, proche alliée de Talon depuis 2016, pourrait devenir la première femme à briguer la magistrature suprême au Bénin. Son profil de professeure de philosophie devenue numéro deux de l’État a l’avantage de la loyauté, même si son manque d’envergure politique propre pourrait être un handicap. D’autres évoquent le puissant ministre de l’Économie et des Finances Romuald Wadagni, artisan des performances économiques et auréolé du titre de « meilleur ministre des Finances d’Afrique 2024 ». Âgé d’à peine 46 ans, technocrate compétent et apprécié des institutions financières, Wadagni pourrait incarner la relève « techno » dans la lignée de Talon. Mais son absence d’assise électorale et son appartenance ethnique (sudiste comme Talon) pourraient compliquer son acceptation dans un pays soucieux d’équilibre nord-sud.

D’autres figures de la majorité, comme le secrétaire général de la présidence Pascal Irénée Koupaki ou l’ex-ministre Abdoulaye Bio Tchané, sont parfois citées, sans qu’aucun ne fasse l’unanimité. En réalité, Patrice Talon semble vouloir garder secrète l’identité de son « dauphin » le plus longtemps possible, probablement pour éviter que celui-ci ne devienne la cible anticipée de critiques ou de frondes internes. Cette stratégie du silence maintient ses troupes en haleine, mais peut aussi créer frustrations et tensions latentes. Il se murmure que certains barons du régime commenceraient à s’impatienter de cette attente, tandis que l’affaire Olivier Boko – du nom de l’ex-bras droit du président aujourd’hui en prison – a créé un électrochoc dans le premier cercle du pouvoir. Talon a dû resserrer les rangs après la chute de Boko, en s’appuyant sur un noyau dur restreint, ce qui n’est pas sans rappeler les jeux de cour des fins de règne.

Côté opposition, l’horizon 2026 est tout aussi incertain. Le principal parti d’opposition, Les Démocrates, a fait son retour à l’Assemblée nationale en 2023 avec 28 députés sur 109, brisant ainsi quatre années de Parlement monocolore. Cette réintégration a redonné un espace d’expression légale aux critiques du pouvoir et peut être vue comme un petit pas vers l’apaisement politique. Cependant, l’opposition reste affaiblie car, ses leaders les plus charismatiques sont soit en exil (l’ancien président Boni Yayi rentré au pays mais peu actif publiquement, Sébastien Ajavon toujours en France) soit en prison (Madougou, Aïvo).

Il leur faudra trouver un candidat crédible pour 2026, capable de fédérer le mécontentement et de rallier au-delà de leur base. Certains évoquent l’hypothèse d’une candidature de Boni Yayi lui-même (ce qui poserait la question de la limite de mandats, qu’il a déjà atteints), ou de figures nouvelles issues de la société civile. Le militant panafricaniste Kémi Seba, très critique envers Talon, a d’ores et déjà annoncé son intention de se présenter, mais son extrémisme et son emprise limitée au Bénin ne semblent pas en faire un challenger sérieux.

L’opposition devra aussi composer avec les règles du jeu imposées par Talon. Pourra-t-elle obtenir les parrainages nécessaires et mener campagne librement ? La présence de ses députés au Parlement est un atout pour négocier une élection plus inclusive, mais rien n’est gagné. La méfiance reste de mise, d’autant que l’appareil électoral (Commission électorale, Cour constitutionnelle) est largement tenu par des fidèles du pouvoir.

Les enjeux de la succession dépassent donc le simple casting du prochain président. C’est en réalité l’avenir du modèle Talon qui se joue. Deux options se dessinent aux yeux des analystes. Soit une transition dans la continuité, où le sortant parvient à faire élire un proche garantissant la poursuite de ses politiques (un scénario à la russe façon Poutine-Medvedev, redouté par les opposants) ; soit un retour à une compétition plus ouverte, profitant du retrait de Talon pour relancer la démocratie béninoise sur ses rails.

Dans le premier cas, le Bénin prolongerait de facto la gouvernance actuelle, avec ses forces (stabilité macroéconomique, projets de développement) et ses faiblesses (déficit démocratique, centralisation du pouvoir). Dans le second cas, l’élection de 2026 pourrait marquer une alternance historique ou au minimum un rééquilibrage des pouvoirs, si un candidat d’opposition parvenait à l’emporter ou à bousculer l’hégémonie des héritiers de Talon.

Nul doute que la communauté internationale aura les yeux rivés sur ce scrutin, souhaitant que le Bénin retrouve pleinement son statut de démocratie exemplaire. Le président Talon, qui se veut respectueux de sa parole de départ, joue aussi sa réputation sur la manière dont il gèrera cette fin de règne. Une transmission pacifique et transparente du pouvoir renforcerait son bilan, tandis que toute manœuvre pour s’accrocher indirectement (par exemple via une révision constitutionnelle surprise ou une présidence « bis » en coulisses) entacherait durablement son héritage.

Mais à 365 jours de la fin de partie, le « terminus » Talon peut encore réserver des surprises, mais il est surtout l’occasion de tirer les leçons de dix ans de pouvoir afin d’aborder la prochaine gare – celle de l’après-Talon – sur les rails de la stabilité et de la démocratie retrouvée.

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