Le président ougandais Yoweri Museveni et son épouse Janet Museveni ont présenté publiquement des excuses au peuple ougandais, lors d’une cérémonie religieuse à Kampala.
Le président ougandais Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, a demandé publiquement pardon ce week-end pour les « erreurs », le « laxisme » et les « négligences » ayant marqué ses 38 années de règne. Accompagné de son épouse Janet, il a lu une déclaration lors d’une cérémonie religieuse organisée par leur fille Natasha Museveni Karugire dans la capitale, Kampala.
« En tant que hauts dirigeants du Mouvement [NDLR : le Mouvement de Résistance Nationale], nous assumons humblement la responsabilité de toutes les erreurs commises par nous-mêmes, nos agents et nos représentants. Nous sommes donc ici pour nous repentir et implorer votre pardon », a affirmé le couple présidentiel.
Ce geste intervient dans un contexte politique tendu. Ces derniers mois, les violences policières à l’encontre des opposants se sont multipliées. Des accusations ont notamment été portées contre les forces liées à Muhoozi Kainerugaba, fils du président et chef des armées, soupçonné d’intimidations et de pressions sur les partisans de l’opposant Robert Kyagulanyi, plus connu sous le nom de Bobi Wine.
Sur le plan économique, le mécontentement reste fort. Malgré l’annonce en 2022 de la découverte de plusieurs dizaines de millions de tonnes d’or dans la région de Karamoja, les bénéfices annoncés ne se traduisent pas dans les conditions de vie des populations. Les difficultés d’accès aux services de base, comme l’éducation, la santé ou l’électricité, alimentent la frustration.
Aussi, à 79 ans, Yoweri Museveni suscite des critiques sur le plan démocratique. Il avait initialement promis de ne pas se représenter après 2006, mais a modifié la Constitution à deux reprises pour supprimer les limites de mandat et d’âge. Il est aujourd’hui pressenti pour briguer un sixième mandat en 2026.
Entre repentance et stratégie
Pour les analystes, ce « mea culpa » présidentiel pourrait s’inscrire dans une stratégie de décrispation ou de reconquête de l’opinion publique. « Ces excuses tombent à point nommé, à un an de la présidentielle. Elles ressemblent davantage à une opération de communication qu’à un vrai changement de cap », estime Nicholas Opiyo, avocat ougandais spécialisé en droits de l’homme. D’autres y voient toutefois un signe d’ouverture et une rare reconnaissance des souffrances infligées, notamment dans les régions du nord longtemps marginalisées, ou parmi les familles des victimes de répression.
Notons que le véritable enjeu réside désormais dans la cohérence entre les paroles et les actes. Aucune mesure concrète n’a pour l’instant été annoncée. Ni réforme électorale, ni libération des prisonniers politiques, ni retrait du fils du président des sphères du pouvoir militaire.
Dans les rues de Kampala, la réaction est mitigée. « Il demande pardon, mais demain ils vont encore frapper les jeunes qui protestent », déclare Joseph, un motard de 32 ans. Une méfiance partagée par de nombreux citoyens qui ont vu le régime user de la force pour contenir toute opposition ces dernières années.