Officiellement, tout va bien dans la maison mouvance. Les formations politiques alliées travaillent « en bonne intelligence », sous la houlette d’un « coach » unanimement reconnu : le président Patrice Talon. Mais à mesure que l’échéance de 2026 se rapproche, les silences deviennent lourds, les formules prudentes, et les réponses évasives. Lors de son passage dominical sur Canal 3 Bénin, Jacques Ayadji, ministre conseiller du président de la République et président du parti Moele Bénin, a multiplié les gestes d’assurance… tout en esquivant les sujets les plus sensibles.
Dans ses propos, Jacques Ayadji insiste sur le fait que « la mouvance présidentielle a un chef, un coach : le président Talon. Nous avançons ensemble vers 2026. » Une réponse censée balayer les interrogations sur l’état réel des relations entre les partis alliés. Pourtant, il reconnaît du bout des lèvres que « les quatre partis ne peuvent jamais aller sur le terrain ensemble pour toutes les élections ». Une manière d’admettre, sans le dire, que l’unité de façade ne se traduit pas toujours dans les faits.
L’absence de communication sur les stratégies communes, les tournées isolées de chaque formation, l’incertitude persistante sur le choix du candidat de la majorité sont autant de signaux faibles qui alimentent le doute. À ce jour, aucun nom n’est avancé, aucune feuille de route partagée. La justification avancée par Jacques Ayadji est que « le coach choisira ses joueurs au bon moment ». Mais cette analogie footballistique, répétée à l’envi, ne suffit plus à masquer les tensions sous-jacentes.
Un choix de candidat devenu tabou
Interrogé frontalement sur la stratégie présidentielle en vue de 2026, Jacques Ayadji reste évasif. « Chaque camp a sa stratégie… Le processus est en cours… Le timing est important ». Derrière ces formules prudentes, une réalité : le flou domine. Aucune concertation publique, aucun signal fort. Comme si le sujet du candidat de la majorité était devenu tabou, voire risqué.
Ce silence, plus politique que stratégique, révèle une crispation. À l’approche d’une échéance décisive, les ambitions s’aiguisent en sourdine, les rivalités se murmurent en coulisses. L’unité proclamée semble reposer moins sur une dynamique de coalition que sur une attente suspendue aux intentions d’un président dont la parole se fait rare sur sa succession.
Jacques Ayadji a beau affirmer que Moele Bénin est pleinement engagé dans les concertations internes, son ton trahit tout de même une distance. « Vous ne voyez que les mouvements entre UPR et BR, mais nous avons aussi nos rencontres. » La remarque n’est pas anodine. Elle suggère que certains partis concentrent l’attention – voire les faveurs – du sommet, au détriment d’autres. Elle traduit aussi une frustration latente de formations perçues comme satellites dans un jeu verrouillé.
Aussi, le président de Moele Bénin insiste sur la discipline, le respect du processus, l’acceptation des choix futurs. Mais il rappelle aussi qu’« il ne suffit pas d’être sur le terrain pour dire que l’on gouverne ensemble ». Un message codé aux partenaires, voire un avertissement poli à ceux qui monopolisent la scène médiatique et les signaux du pouvoir.
Un équilibre fragile en quête de ligne claire
En refusant d’annoncer la moindre orientation sur le duo présidentiel pressenti, en bottant en touche sur les discussions internes, et en évitant tout débat sur les ambitions personnelles, la mouvance présidentielle prend le risque d’alimenter les spéculations. L’absence de clarté peut renforcer le sentiment d’un fonctionnement vertical, où les acteurs secondaires attendent un mot d’ordre plus qu’ils ne construisent un projet collectif.
À ce stade, la dynamique autour de 2026 reste une affaire d’interprétations. L’unité affichée masque difficilement les silences gênés, les alliances fluctuantes et les intérêts divergents. Le président Talon joue-t-il la montre pour préserver son autorité ? Ou est-il confronté à une mosaïque de partis où le consensus est plus fragile qu’il n’y paraît ?
À l’évidence, le socle de la majorité présidentielle existe encore. Mais sa solidité repose, pour l’instant, sur une forme de discipline plus que sur une stratégie partagée. Et le mutisme sur la suite à donner au pouvoir en 2026 laisse une question pendante : jusqu’à quand ce silence organisé pourra-t-il tenir sans fissurer l’édifice ?