À quatre mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le suspense demeure entier autour de la candidature d’Alassane Ouattara. Malgré les attentes de ses partisans, le chef de l’État ivoirien maintient une stratégie de silence, soigneusement orchestrée, qui alimente toutes les spéculations. Derrière ce flou, trois raisons principales se dégagent, éclairant la tactique du président sortant.
Première explication de cette attente : la « stratégie de l’usure ». En retardant l’annonce de sa décision, Alassane Ouattara prend l’opposition de court. Privée d’un adversaire désigné, cette dernière peine à définir une ligne claire et à structurer sa campagne. Plusieurs alliances se forment et se défont, tandis que les critiques manquent de cible précise. Cette indétermination permet au RHDP, le parti au pouvoir, de garder l’initiative, en évitant les attaques directes et en contrôlant le tempo du débat politique. Déjà lors des précédentes échéances, le président avait usé de ce ressort, provoquant surprise et désorganisation chez ses rivaux.
En outre, une déclaration anticipée aurait pour effet immédiat de concentrer sur lui la critique, tant au niveau national qu’international, en particulier sur la question d’un éventuel quatrième mandat, sujet sensible qui suscite des débats tant en Côte d’Ivoire qu’à l’étranger.
Préserver l’unité du RHDP
Le second motif tient à la cohésion interne du RHDP. L’unité du parti au pouvoir reste, en apparence, solide. Pourtant, sous la surface, des ambitions s’expriment et des stratégies individuelles se dessinent déjà en vue de l’après-Ouattara. Une annonce prématurée de candidature – ou, à l’inverse, un retrait – risquerait d’exacerber ces rivalités, provoquant des frustrations ou même des défections, à l’image de ce qui s’était produit lors du précédent scrutin avec le départ de certaines figures majeures. En différant sa décision, Alassane Ouattara préserve ainsi la discipline de son camp et maintient ses troupes en ordre derrière lui, évitant de créer un terrain propice à la division.
Enfin, le chef de l’État semble privilégier le choix d’un moment hautement symbolique pour annoncer sa position. Son discours récent au stade d’Ebimpé, marqué par des hommages appuyés à ses prédécesseurs et un positionnement au-dessus des querelles partisanes, laisse entrevoir une volonté de s’ériger en « père de la nation ». Ce rôle, il pourrait le revendiquer en profitant d’un contexte solennel, tel que la fête de l’indépendance le 7 août, pour officialiser sa candidature. Un tel calendrier renforcerait l’image d’un homme d’État prenant sa décision non pas pour des raisons personnelles, mais au nom de la stabilité et de l’unité nationale.
De nombreuses questions en suspens
Ce suspense savamment entretenu n’est pas sans conséquence sur la scène politique ivoirienne car il désoriente l’opposition, retarde la clarification des stratégies et laisse planer l’incertitude sur la configuration du prochain scrutin. Le jeu reste donc ouvert, tant du côté du RHDP que parmi les adversaires politiques.
Reste à savoir si Alassane Ouattara choisira de briguer un nouveau mandat ou s’il optera pour une sortie solennelle.